Paris, Corti, (25 septembre) 1951
1 vol. (130 x 200 mm) de 352 p. et [1] f. Maroquin fauve, dos à nerfs, titre doré, tête dorée, coupe guilloché, contreplats à encadrement orné d'un filet doré, étui (Seguin, Relieur Angers).
1 vol. (130 x 200 mm) de 352 p. et [1] f. Maroquin fauve, dos à nerfs, titre doré, tête dorée, coupe guilloché, contreplats à encadrement orné d'un filet doré, étui (Seguin, Relieur Angers).
Édition originale.
Un des 40 premiers exemplaires sur vergé de Rives, celui-ci hors commerce.
Un des 40 premiers exemplaires sur vergé de Rives, celui-ci hors commerce.
Envoi signé : « à ma sœur en espérant qu’elle adoptera ce pupille qui fut difficile à élever. Louis ».
Le Rivage des Syrtes est un roman merveilleux, situé dans un paysage imaginaire de lagunes engourdies de silence dont Gracq a le génie de la description ; une description fouillée, savante, adéquate, tout en conservant le mystère de ce qu'il décrit avec acuité. En bon géographe, Gracq étonne par sa connaissance du vocabulaire technique et poétique des terres, des isthmes, des montagnes, des roches, des vallées, des promontoires. Les îles deviennent des géants de pierre qui dorment dans l'océan, les plages sont des langues de sable et les jetées deviennent de grandes mains qui brassent la mer. C'est aussi une évocation en filigrane de l'atmosphère fantomatique de la « drôle de guerre », qui précéda le conflit de la Seconde Guerre mondiale, qu'il développera dans Un balcon en forêt en 1958.
Gracq, dans l'immédiat après-guerre, est à l'écart du monde littéraire. Il en a donné la mesure dans La Littérature à l'estomac, son pamphlet de 1950. Il a alors quarante ans, une oeuvre qui se construit avec discrétion, mais qui commence à compter. L'attribution du prix Goncourt, et son refus obstiné de le recevoir, déclenche une polémique, le roman bénéficiant d'une publicité non désirée mais efficace (Corti, en décembre 1951, procède à un nouveau tirage de 127 000 exemplaires ; le premier n'était que de 7000. On est loin des 130 exemplaires vendus de Au château d'Argol) qui place le texte au sommet des ventes. Les chimères élaborées d'Orsenna et du Farghestan empruntent à l'histoire, à la géographie, à l'architectures comme aux paysages pour créer un monde onirique, « un imprécis d'histoire et de géographie » comme le définit joliment Antoine Blondin (Rivarol, 6 décembre 1951).
Précieux exemplaire sur grand papier, qu'il offre à sa soeur, Suzanne.
L'ouvrage fut ensuite confié, comme plusieurs autres exemplaires personnels, au relieur attitré des deux habitants de la maison familiale de Saint-Florent-le-vieil, l'artisan relieur-doreur Seguin, installé rue David D'Angers à Angers. Louis et Suzanne Poirier lui réservaient leurs ouvrages personnels le plus intimes.
On sait les liens quasi fusionnels qui existaient entre Gracq et sa soeur qui, leurs vies durant, ne se sont pour ainsi dire jamais quittés.
Julien Gracq est le second enfant de la famille Poirier. Sa soeur Suzanne, de neuf ans son aînée, est née en 1901. Elle ne quitta jamais la maison familiale de Saint-Florent-le-Vieil, dans laquelle Gracq la rejoint au début des années cinquante. « C'est une maison particulière, car c'est la maison des parents de Louis Poirier. Nous sommes là beaucoup plus chez Louis Poirier que chez Julien Gracq [...] À Saint-Florent-le-Vieil, c'est Monsieur Poirier que les gens connaissent, regardent avec une certaine méfiance, une certaine distance. C'est ensuite la maison qui a été très longtemps occupée [avec] Suzanne Poirier, la soeur aînée, aimée, admirée entre toutes de Julien Gracq. Et du reste, lorsque je me suis rendu pour la première fois à Saint-Florent, j'ai découvert vraiment dans l'intimité familiale d'un dimanche après-midi de février, dans une maison de province tout à fait surannée, hors du temps, le grand écrivain, accompagné de sa soeur qu'il avait tenue à me présenter, et ce fut pour moi un moment d'émotion (Philippe Le Guillou, Le Déjeuner des bords de Loire). Jérôme Garcin témoigna également de la maison, « version terrestre du bout du monde qu'il ne quitte guère. Il craint qu'en son absence sa soeur de quatre-vingt-onze ans ne fasse une mauvaise chute [...] Tel un indiscret, le fumet du déjeuner glisse lentement sous la porte. Suzanne Poirier fait chanter la marmite dans la cuisine voisine ». [Mais] Saint-Florent-le-Vieil n'a pas été épargné par les bruits modernes, remarque Julien Gracq. « Certains soirs, ajoute-t-il, ça vrombit même plus que dans certains quartiers de Paris ! » Si on lui demande ce qui a le plus changé depuis l'époque où, enfant, il jouait sur le pavé du quai, entre les claies de châtaigniers et les battoirs des laveuses, il répond avec fatalisme que la vie s'est déplacée ‘du haut vers le bas'. Un prolapsus urbain, en somme. Le moraliste pointe derrière le géographe. » (Jérôme Garcin, Littérature vagabonde)
Suzanne mourra le 25 mars 1996 à l'âge de quatre-vingt-cinq ans ; Louis lui survivra presque douze ans, seul dans la maison de Saint-Florent. Il décédera le 22 décembre 2007 à Angers âgé de quatre-vingt-dix-sept ans.
Les manuscrits de travail et la mise au net de ce roman sont conservés à la Bibliothèque nationale de France (Legs Julien Gracq, 2008).
Parmi les autres exemplaires hors commerce dédicacés du Rives du Rivage des Syrtes, on connaît ceux offerts à Colette, à Corti, à sa mère et celui-ci. Seulement deux exemplaires parmi les 40 exemplaires numérotés sont recensés pour l'heure avec dédicace, les deux à des collectionneurs sans attache particulière avec Gracq.
Nous avons pour l'heure recensé 17 des 40 exemplaires en grands papiers, ainsi que deux hors commerce.
N'hésitez pas à signaler le vôtre !
Boie (B., dir.), « Notice au Rivage des Syrtes », dans Gracq (J.), Œuvres complètes, I, Gallimard, La Pléiade, 1989, pp. 1327-1365.
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