Paris, Gallimard, (24 mai) 1947
1 vol. (115 x 185 mm) de 337 p. et 1 f. Maroquin noir, dos à nerfs, contreplats et gardes de velours rouge, titre doré, date en pied, tranches dorées sur témoin, couvertures et dos conservés, étui bordé (reliure signée de [Loutrel-]Delaporte).
1 vol. (115 x 185 mm) de 337 p. et 1 f. Maroquin noir, dos à nerfs, contreplats et gardes de velours rouge, titre doré, date en pied, tranches dorées sur témoin, couvertures et dos conservés, étui bordé (reliure signée de [Loutrel-]Delaporte).
Édition originale.
Exemplaire imprimé du service de presse.
Exemplaire imprimé du service de presse.
Envoi signé : « à André Malraux, avec la même amitié. Albert Camus ».
Quinze ans plus tôt, c’est un lycéen d’hypokhâgne à Alger qui découvre et dévore les œuvres de Malraux, mais son intérêt pour les écrits de Malraux ne prendra véritablement corps lorsque, pour sa première représentation, la troupe du Théâtre du Travail, qui accueillera sa première œuvre (Révolte dans les Asturies), montera une adaptation du Temps du mépris. Et le jeune Camus, dans le manifeste du Théâtre de l’équipe, précise vers quelles époques leur art théâtral doit se tourner : « vers [celles] où l’amour de la vie se mêlait au désespoir de vivre : la Grèce antique (Aristophane, Eschyle), l’Angleterre élisabéthaine (Forster, Marlowe, Shakespeare), l’Espagne (Fernando de Rojas, Calderón, Cervantès), l’Amérique (Faulkner, Caldwell), notre littérature contemporaine (Claudel, Malraux) … ». Sept ans plus tard, c’est par Pascal Pia puis Jean Paulhan que Malraux prend connaissance du manuscrit de L’Étranger, en avril 1941. Il en sortira ébranlé : « il est clair que vos manuscrits l’ont secoué […] il propose des corrections de forme », écrit Pia à Camus le 27 mai, qui concernent principalement le passage du meurtre de l’arabe, acmé dramatique du roman, « pas aussi convaincant que l’ensemble du livre (…) Je n’essaie pas de vous dire des choses intelligentes, ni du genre pénétrant, j’essaie de vous dire des choses utiles », insiste Malraux. En novembre 1941, Camus répond directement au « cher Malraux » : « Vous êtes parmi ceux dont j’ai souhaité l’approbation », écrit-il. Non seulement, il suivra ses conseils mais, en mars 1942, après la publication du roman, il écrira à son ami Jean Grenier : « J’ai été servi par la chance et par mes amis ; Pia et Malraux ont tout fait. »
Parmi les autres échanges de l’année 1942 (conservés à la Bibliothèque Jacques Doucet), une lettre atteste que Camus ne peut dédicacer de livres à Malraux, faute d’exemplaires sous la main. Deux autres évoquent déjà La Peste : « Dès que j’irai mieux je continuerai mon travail : un roman sur la peste. Dit comme cela, c’est bizarre. Mais ce serait très long de vous expliquer pourquoi ce sujet me paraît si ‘naturel’. Si j’en trouve l’occasion, j’irai peut-être y travailler en France : ce serait le moment de vous rencontrer » (lettre d’Oran, 23 mars 1942), puis (du Pannelier, 2 septembre 1942) : « Excusez cette lettre rapide : j’ai les idées brouillées en ce moment. Je crois que, pour finir, j’ai attrapé la peste – à force d’y penser ». Camus fera paraître, en juillet 1943, Les Exilés dans la peste, dans Domaine français, publié à Genève sous l’impulsion de Jean Paulhan et de Jean Lescure, date à laquelle Malraux se rapproche de la résistance.
La rencontre entre les deux hommes n’aura lieu qu’en octobre 1944, au journal Combat (on joint un contretype de l’unique photographie prise ce jour-là, où Camus, en bras de chemise, croise le regard du Colonel Berger, alias André Malraux). Leurs routes s’éloigneront après la guerre, mais l’amitié restera profonde et sincère ; Malraux assistera Camus lors de la publication de L’Homme révolté et affrontera les foudres de Jean-Paul Sartre ; la simplicité de l’envoi traduit éloquemment la grandeur vraie de leur amitié. Un peu plus de dix ans plus tard, lorsque Malraux est nommé ministre des Affaires culturelles le 3 février 1959, il souhaite confier à Camus des responsabilités importantes, dont la direction d’un théâtre : une semaine avant la mort de Camus, dans un document officiel du ministère daté du 29 décembre 1959, lui est ainsi attribué le théâtre Récamier et les fonds débloqués : « Albert Camus aurait une complète liberté tant quant au choix du répertoire et des interprètes que quant à l’administration propres des spectacles. » Une rencontre avec Malraux était prévue courant janvier. L’accident fatal du 6 janvier 1960 en décidera autrement.
On ne connaît qu’une seule autre œuvre de Camus dédicacée à Malraux, dans l’édition Gallimard de L’Envers et l’Endroit. La correspondance entre les deux hommes débute en 1942 pour s’achever en 1959 ; elle est succincte (32 lettres) — les grandes années de leur dialogue intellectuel se passeront à proximité l’un de l’autre, où il n’est pas nécessaire de s’écrire —, mais résume leur histoire commune. Au fil du temps, les lettres, fait remarquer la spécialiste de l’œuvre de Malraux et de Camus Sophie Doudet, montrent que les deux hommes passent « d’une amitié teintée de respect et d’admiration » à « une fidélité fondée sur l’estime ». « Jamais leur correspondance n’atteint l’intimité, la complicité ni la chaleur que l’on décèle dans les lettres que Camus envoie à Louis Guilloux ou à René Char », précise-t-elle en relevant que « le ton est toujours cordial et le vouvoiement de rigueur », la faute sans doute au gaullisme de Malraux et aux remous de la décolonisation, qui ne favorisent guère le rapprochement des deux écrivains.
En compétition pour le Nobel de littérature, qu’il obtiendra face à son ancien mentor en 1957, Albert Camus s’exclamera : « C’est Malraux qui aurait dû l’avoir ! »
En compétition pour le Nobel de littérature, qu’il obtiendra face à son ancien mentor en 1957, Albert Camus s’exclamera : « C’est Malraux qui aurait dû l’avoir ! »
24442
© librairie Walden, 2021
© librairie Walden, 2021



