Paris, Gallimard, (21 avril) 1942
1 vol. (120 x 185 mm) de 159 p. Reliure souple à la Vernier, veau naturel teinté d'un camaïeu sable, estampé d'une eau-forte originale figurant une vue d'Alger, rehaussé à l'or dans sa partie inférieure, titre à la chinoise à l'oeser brun, gardes de chèvre velours sable, tranches dorées sur témoins par Jean-Luc Bongrain, chemise et étui bordés, couvertures et dos conservés (reliure signée de Louise Bescond - titr. C. Ribal, 2022).
1 vol. (120 x 185 mm) de 159 p. Reliure souple à la Vernier, veau naturel teinté d'un camaïeu sable, estampé d'une eau-forte originale figurant une vue d'Alger, rehaussé à l'or dans sa partie inférieure, titre à la chinoise à l'oeser brun, gardes de chèvre velours sable, tranches dorées sur témoins par Jean-Luc Bongrain, chemise et étui bordés, couvertures et dos conservés (reliure signée de Louise Bescond - titr. C. Ribal, 2022).
Édition originale.
Exemplaire imprimé du service de presse.
Exemplaire imprimé du service de presse.
Lumineuse reliure souple " à la Vernier " de Louise Bescond.
Précieux exemplaire dans lequel est monté en tête la lettre de quatre pages d'Albert Camus à Rold Hädrich, dans laquelle Camus donne, pour la première et seule fois, l'autorisation d'adapter et de représenter L'Étranger.
La lettre contient plusieurs passages très importants, puisque Camus précise, comme rarement auparavant, sa vision de son roman, 12 ans après sa parution : " On a voulu y voir un nouveau type d'immoraliste : c'est tout à fait faux. Ce qui est attaqué de front ici ce n'est pas la morale, mas le monde du procès qui est aussi bien bourgeois que nazi que communiste, qui est en un mot le chancre contemporain. Quant à Meursault, il y a en lui quelque chose chose de positif : et c'est son refus, jusqu'à la mort, de mentir. Mentir, ce n'est pas seulement dire ce qui n'est pas, c'est aussi , c'est aussi accepter de dire plus qu'on ne veut, la plupart du temps pour se confirmer à la société (...) Si vous envisager le livre sous cet angle vous y verrez une morale de la sincérité et une exaltation à la fois ironique et tragique, de la joie et du monde" .
Ces lignes lui serviront l'année suivante, lorsque Camus précisera encore davantage sa pensée pour la préface qu'il donne à l'édition américaine de L'Étranger : « J'ai résumé L'Étranger, il y a longtemps, par une phrase dont je reconnais qu'elle est très paradoxale : « Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.» Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, où il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c'est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l'on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple: il refuse de mentir [...] Meursault, pour moi, n'est donc pas une épave, mais un homme pauvre et nu, amoureux du soleil qui ne laisse pas d'ombres. Loin qu'il soit privé de toute sensibilité, une passion profonde parce que tenace, l'anime: la passion de l'absolu et de la vérité. Il s'agit d'une vérité encore négative, la vérité d'être et de sentir, mais sans laquelle nulle conquête sur soi et sur le monde ne sera jamais possible.»
Cette préface, dit Roger Quilliot, est à rapprocher de notre document, cité ainsi : " un brouillon de lettre à M. Hädrich, qui lui avait soumis une adaptation de l'Étranger [qui n 'est] ni réaliste, ni fantastique". Et Quilliot de citer le fameux passage où Camus, pour le sens de son roman " y verrai plutôt un mythe incarné, mais très enraciné dans la chair et la chaleur des jours ".
L'entame de la lettre n'est pas moins importante : " il y a vingt ans que je m'intéresse au théâtre sous toutes ses formes et je sais que les feux de la rampe n'ont rien à voir avec la lumière calculée qu'on peut introduire dans un roman. Mais votre lettre et celle de M. Deblue m'ont donné envie de tenter avec vous cette aventure. Et je sais par expérience que cette sympathie est la seule garantie qu'on puisse désirer avant de décider d'une collaboration. Vous avez donc mon autorisation pour essayer d'adapter et de représenter L'ÉTRANGER (…) Voici maintenant ce que je pense de votre plan (…). Il est bon. J'y ferai deux objections de détail :
I°) Il est ennuyeux de ne pas voir le meurtre. D'abord parce que celui-ci est le centre du récit(…)
2°) Le monologue sur lequel vous terminer le 6e tableau me paraît impossible (…)."
Suit un paragraphe afin "d'éviter le genre Kafka et l'expressionnisme", avant celui du "mythe incarné", cité plus haut.
Notre document est cité, avec un passage reproduit, par Roger Quilliot dans la Pléiade (2011, I, p. 1268-69) mais demeure totalement inédit.
Son existence est également mentionnée dans Solitaire et solidaire (Lafon, 2009, p. 67) ; un passage est repris dans L'Étranger, Essai et dossier par Bernard Pingaud, Gallimard, 2009, p. 191-192) et, enfin, le long passage concernant le "mythe incarné" est repris, presque in extenso, dans Histoires d'un livre : l'étranger (IMEC, octobre 1990, p. 7-8).
La rédaction de ce brouillon est daté du 4 septembre 1954 - la lettre à Hädrich, qui serait datée du 8, est quant à elle inconnue et n'a jamais été vue.
Le projet n'a jamais vu le jour, sans qu'on en connaisse les raisons. Aucun autre échange postérieur à cette lettre n'est connu entre Camus et Hädrich, et strictement rien n'existe parmi les notes et lettres consaCamus, par la suite, ne donnera plus suite à une quelconque adaptation de son roman.
La rédaction de ce brouillon est daté du 4 septembre 1954 - la lettre à Hädrich, qui serait datée du 8, est quant à elle inconnue et n'a jamais été vue.
Le projet n'a jamais vu le jour, sans qu'on en connaisse les raisons. Aucun autre échange postérieur à cette lettre n'est connu entre Camus et Hädrich, et strictement rien n'existe parmi les notes et lettres consaCamus, par la suite, ne donnera plus suite à une quelconque adaptation de son roman.
Les brouillons et manuscrits de L'Étranger furent quant à eux le fruit d'une longue gestation, entreprise dès 1938 mais qui ne prendra forme qu'après son départ du journal Alger républicain, en janvier 1940. Camus arrive à Paris en mars, pour intégrer Paris-Soir. Il n'y écrira pas une ligne puisqu'on ne lui confie que des tâches subalternes et consacre son temps à l'écriture ; dès le 1er mai 1940, il peut écrire à Francine, restée à Oran qu'il vient « de terminer [s]on roman [...] mais mon travail n'est pas fini ». Il ne le sera qu'un an plus tard, lorsqu'il peut confier en mars 1941 un manuscrit à Jean Grenier et un second à Pascal Pia. L'un et l'autre - le 19 avril pour le premier, le 25 pour le second -, le félicitent, « persuadé », pour Pia, « que, tôt ou tard, L'Étranger trouvera sa place, qui est une des premières ». Paulhan, également, peut lire le manuscrit, avant qu'il ne soit confié à Roland Malraux, puis André Malraux, qui sortira de cette lecture ébranlé : « il est clair que vos manuscrits l'ont secoué [...] il propose des corrections de forme », écrit Pia à Camus le 27 mai. Plusieurs chapitres, notamment ceux de l'aumônier et celui du meurtre de l'arabe, seront repris fin mars, pour un version manuscrite définitive en 85 feuillets depuis lequel L'Étranger sera édité. Les épreuves sont confiées à l'imprimerie Chantenay, sise 45 rue de l'Abbé Grégoire, dans le VIe arrondissement, et l'ouvrage est mis en fabrication à partir du 1er avril, d'après les archives Gallimard. Une vingtaine de jours suffira pour livrer l'ouvrage (achevé d'imprimé le 21), mis en librairie moins d'un mois plus tard, le 19 mai 1942, au prix de 25 francs, au milieu des autres parutions maison. Malgré la guerre, l'activité est intense : 11 nouveautés et 19 réimpressions. Parmi ces dernières, les déjà classiques de la maison : Claudel, Saint-Exupéry, Martin du Gard, Valéry, Gide ou Morand, et trois titres étrangers : Nietzsche, Jünger et Dostoïevski.
Une petite partie des 550 premiers exemplaires est diffusée dès le début du mois de mai, avec un tirage ‘spécial' en service de presse portant la mention « S.P. » imprimée sur la page de titre et sur la quatrième de couverture. Le dos, pour ces derniers, ne comporte aucune indication du prix [25 francs]. Albert Camus, alors à Alger, puis à Oran, n'en dédicace aucun : il ne peut le faire, car il attend un envoi d'exemplaires depuis Paris, qu'il réclame plusieurs fois à Gaston Gallimard, qu'il n'aura jamais. Il quitte Oran le 12 août sans avoir reçu ces exemplaires. On ne connaît qu'un seul exemplaire dédicacé par Camus en août 1942, depuis Oran, à l'un de ses ami revenu de France avec un exemplaire dans sa valise.
Le premier tirage d'avril connaît un succès tout relatif, seulement relayé, malgré les efforts de Gaston Gallimard par une petite dizaine d'articles, pour un bilan critique mitigé selon Camus : « La critique : médiocre en zone libre, excellente à Paris. Finalement tout repose sur un des malentendus. Le mieux c'est de fermer ses oreilles et de travailler » (in Lettre à Fréminville du 6 septembre 1942, citée par Todd). Camus ne rentrera à Paris que début de l'année 1943, où il peut enfin commencer à offrir quelques exemplaires - sur des retirages, plus rarement sur des exemplaires du tirage princeps d'avril , et avec mention d'édition. Les première dédicaces offertes à ce moment (datées de ce premier trimestre 1943) sont rares.
À ce jour, nous n'avons croisés que neuf exemplaires qui soient dédicacés - avec certitude - pour cette année 1943. Enfin, des dédicaces portées sur des exemplaires avec mention (mais toujours du tirage d'avril 1942) existent : notre recensement dénombre aujourd'hui 12 entrées. Ce sont en fait ceux-là qui sont, historiquement et chronologiquement, les premiers que Camus offre, au cours du premiers semestre de l'année 1943. A Gaston Gallimard, à André Malraux, à René Leynaud, à Francis Ponge et à ses amis d'Oran : Choukroun, Bénichou. En outre, trois exemplaires sans mention contiennent une note autographe de Camus, sans que l'exemplaire soit dédicacé ; ces mentions ont été ajoutées postérieurement, à partir de 1945, au mieux.
Il existe enfin d'autres dédicaces sur des retirages post-années 50, - sans qu'ils soient non plus très fréquents. Mais les dédicataires sont assez souvent secondaires et les envois sont de circonstances. Voilà pour un état des lieux, loin d'être exhaustif, de nos connaissances.
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Très exemplaire dans la meilleure condition possible du premier tirage et en service de presse, imprimé ainsi en page de titre et en quatrième de couverture. Il est idéalement enrichi de ces quatre pages au sujet de L'Étranger et du projet, accepté, de son adaptation.
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