Voici notre deuxième sélection de l'année, envoyée en avant-première à nos membres " Bonnes feuilles ". 
Les ouvrages indiqués en rouge ainsi ne sont plus disponibles. 
Le Classement est chronologique.


1 - SAINT-SIMON
Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon sur le siècle de Louis XIV et la Régence publiés pour la première fois sur le manuscrit original entièrement écrit de la main de l'auteur, par M. le marquis de Saint-Simon 
Paris, A. Sautelet et Cie, 1829-1830 21 volumes (130 x 215 mm). Cartonnage bradel havane, dos lisse, pièces de titres de chagrin maroquiné rouge, filets dorés et tomaisons (Reliure de l'époque). 
Première édition complète des Mémoires de Saint-Simon. Des extraits des Mémoires avaient été publiés 1788 et 1789, mais il faut attendre 1818 pour connaître une nouvelle édition d'extraits complémentaires, et toujours parcellaires. Ce n'est qu'en 1829 que Sautelet peut publier cette première édition complète, en vingt et un volumes, d'après l'intégralité du manuscrit orignal. Sainte-Beuve y ajoutera une notice biographique en 1856.
Bon exemplaire en cartonnage simple du temps.
Rousseurs éparses aux volumes.
Des bibliothèques du Dr. Ernest Delnos (1825-1852, avec ex-libris- ; Didier Pineau-Valencienne (ex-libris). 
Tchemerzine, V, p. 660 : "véritable édition originale" ; Carteret, II, p. 284 -- Vicaire, VII, 101-102 -- Legay, 108 ; Guery Alain. Saint-Simon et Montesquieu. In: Cahiers Saint Simon, n°27, 1999, pp. 17-28. 
28119 

2 - Pierre LOTI
Mon frère Yves
Paris, Calmann Lévy, 1883. 1 vol. (120 x 185 mm) de [1] f., [6] et 423 pp. Maroquin vert doublé, dos à nerfs, titre doré, date en pied, doublures de maroquin rouge, doubles gardes soie et papier marbré, filets sur les coupes, tranches dorées sur témoins, couverture et dos (reliure signée de Semet et Plumelle). 
Édition originale.
Un des 20 premiers exemplaires sur hollande (n° 6). 
En tête : lettre autographe signée (4 p.) à propos de la fête que donne Loti le "12 avril à 7 1/2 du soir" ; il y convie le destinataire de ce courrier : Émile Blavet, chroniqueur au Figaro et ami de Juliette Adam. 
Le 12 avril 1888, Pierre Loti organisa un "Dîner Louis XI" pour inaugurer la salle néo-gothique aménagée dans sa maison de Rochefort : c'est la première et la plus célèbre des fêtes données par l'auteur. La reconstitution est l'objet de recherches extrêmement poussées concernant la musique, les plats, la vaisselle, l'ameublement et la décoration et les costumes des invités, tous affublé d'un nom de l'époque portés sur un carton d'invitation en parchemin enluminé. Le menu se fera en 13 services avec rôti de chevreuil, d’écureuil, de hérisson, des pâtés de perdrix et de hérons, dont le clou est un paon flanqué de quatre hérons, portés sur un brancard, avec jongleurs et maître-queux, le tout arrosé de cervoise, d'hydromel et de vin de Grèce. La préparation l'occupa six mois durant ; Loti veille aux moindres détails, passe commandes, fait appel à ses amis. On fait tout spécialement fabriquer des sièges, des instruments de musique, de la vaisselle et la majeure partie des produits est apportée de Paris, voire fabriquée tout exprès, notamment avec l’aide sur place de sa nièce, Ninette. Les invités, moins d’une trentaine et dont la liste en est à peu près connue, devaient se présenter déguisés et porter un nom d’époque. Loti renseigne ici son correspondant sur une tenue souhaitée d'un Gringoire : " Il suffit de porter très rigoureusement le costume d’une classe honnête de la société sous le règne de Louis XI. Maintenant j’ai une frayeur que vous ne trouviez mon dîner assommant, ma cuisine gothique détestable. A vous, habitué aux belles fêtes de Paris, celle-ci dans un coin de province, va vous sembler mesquine, malgré sa petite pointe d’originalité ". Si Blavet confirme sa venue - il viendra dans le même train que Juliette Adam -, il y aura pour lui un siège haut et dur, un rond de pain bis et un hanap d’hypocras… C'est Juliette Adam, chez qui Loti avait rencontré Blavet, qui prononça un « toast » en ancien français, où elle célébra les femmes : « Ainsi ce est hommage et révérence à nostre sexe. Femmes sont, en cet âge, de viril entendement et portent âme de baron dessoubz gracieux corsaige [...] Doncques soyent en ma personne glorifiées les haultes vertus et prééminences des dames ». 
Blavet rendra compte de la soirée dans Le Figaro du 14 avril, sous le pseudonyme de Parisis, décrivant un repas en plusieurs services, avec intermèdes, spectacles et jeux divers. 
Exemplaire de choix en maroquin doublé.
Dos légèrement plus mat que les plats, sinon admirable exemplaire. 
Lettre à Juliette Adam, d’août 1881 ; Journal intime, T.I, pp. 174 et 176 ; A. Quella-Villéger, "Une fête médiévale chez Pierre Loti en 1888", Eidôlon, n°86, Presses Universitaires de Bordeaux, 2009 ; É. Blavet, "Un dîner chez Pierre Loti", Le Figaro, 12 avril 1888, extraits repris dans Le Monde illustré du 21 avril, p. 255 et 258.
28818 


3 - Alfred JARRY
Ubu roi 
Paris, Éditions du Mercure de France, [Imprimerie de Charles Renaudie], (11 juin) 1896. 1 vol. (90 x 150 mm) de 171 p. Bradel demi-vélin, titre peint en deux couleurs au dos, couvertures conservées (reliure légèrement postérieure). 
Édition originale.
Exemplaire de première émission, sans mention d’édition. 
L’illustration comporte deux portraits du père Ubu dessinés par l’auteur ; l'ouvrage est imprimé avec des caractères imitant ceux du XVe siècle, que Jarry avait spécialement commandés pour le n° 2 du Perhinderion, sa luxueuse revue d'images. Drame en cinq actes et en prose, Ubu Roi est créé au théâtre de l'Oeuvre le 10 décembre 1896, dans une mise en scène de Lugné-Poe. À cette première, la pièce est précédée d'un discours introductif à peine audible de Jarry. Il y déclarait que l'action se déroulait « en Pologne, c'est-à-dire nulle part ». Ajouté au « merdre » inaugural, il n'en fallut pas davantage pour susciter le scandale auprès de l'assistance. Écrite à quinze ans dans la veine des gestes médiévales - et devant primitivement revêtir la forme d'un spectacle de marionnettes -, la pièce contient des références récurrentes à Shakespeare. Provocante et fantaisiste, elle apparaît cependant comme une parodie des oeuvres du dramaturge anglais. Le père Ubu, personnage empruntant les traits d'un ancien professeur de Jarry, se veut l'incarnation personnifiée du grotesque et de la bêtise. La pièce, à proprement parler délirante, annonce les mouvements dadaïste et surréaliste et préfigure le Théâtre de l'absurde. C'est bien à cela que le public, scandalisé assista, sans bien le comprendre : « une double naissance, celle d'un mythe et celle d'un certain théâtre moderne » (En français dans le texte, Paris, BnF, 1990, nº 322). 
Étiquette de provenance de la Librairie R. Anacréon. Papier uniformément jauni ; usures aux couvertures ; reliure modeste. 
28954 

4 - Octave MIRBEAU
Le Blasphème de Catulle Mendès 
[1896] ; 3 pages in-4 à l'encre violette, découpées pour l'impression et remontées. 
Manuscrit autographe signé.
Bel article sur Mounet-Sully, paru dans Le Journal du 7 juin 1896, puis recueilli dans Gens de théâtre (1924). Le journaliste raconte avec verve une visite à Mounet-Sully, à qui il révèle le « blasphème » de Catulle Mendès, qui, dans un article intitulé Le Vrai Hamlet, se plaignait de ce que l'Hamlet représenté par Mounet Sully ne fût pas celui de Shakespeare, mais celui, romantique, de Delacroix. 
Le « grand tragédien », imperturbable, « demeura un instant, silencieux, puis d'une voix profonde, d'une voix de gouffre il prononça : Décidément, il y a quelque chose de pourri dans le Danemark de la littérature ». Mirbeau, sans prendre parti, relate sa conversation avec Mounet-Sully, pour lequel suffit, pour faire une bonne pièce, presque un bon comédien, et rien d'autre : "à quoi bon des pièces, puisqu'il y a sa voix, ses gestes et ses dents...". Mirbeau et Mendès sont alors de bons amis, alors que, douze ans plus tôt, les deux hommes s'étaient courtoisement battus en duel, le 29 décembre 1884, ne s'infligeant que des égratignures, avant d'en faire publiquement son mea culpa : « Je revois dans une clairière, proche de la Seine, habit bas et l'épée à la main, deux hommes destinés à s'aimer par un commun amour, par une même passion fervente des joies esthétiques, et qui pourtant allaient se ruer l'un sur l'autre. C'était M. Catulle Mendès et moi. Vous l'avez oublié, mon cher Mendès, ce méchant et déraisonnable article où, par une inconcevable folie, reniant mes propres croyances, je vous reniais vous, le poète de tant de beaux rêves, le chantre de tant d'exquises musiques. Je m'en souviens, moi, pour le haïr » (in « Impressions littéraires, Le Figaro, 29 juin 1888, cité dans l'article Mendès du Dictionnaire Octave Mirbeau, par Pierre Michel). C'est à Mendès que Mirbeau confia le premier jet de Les affaires sont les affaires, qu'il venait juste de finir.
26889 

5 - Guillaume APOLLINAIRE
Le Poète assassiné 
Paris, Bibliothèque des Curieux, 1916. 1 vol. (115x 185 mm) de 316 p. et [1] f. Demi-maroquin havane à coins, dos à nerfs, titre doré, date en pied, tête dorée, couvertures et dos conservés (reliure signée de Vermorel). 
Édition originale.
Sous-lieutenant d'infanterie depuis le 18 novembre 1915, Apollinaire regagne Paris début janvier, après sa rupture avec Louise de Coligny-Châtillon, à qui il écrit pour la dernière fois le 18 janvier 1916. Son régiment entre en repos en janvier et février et Apollinaire a alors quelque loisir pour écrire et terminer les nouvelles d'un futur recueil de nouvelles, le deuxième après L'Hérésiarque et Cie (publié en 1910) : un ensemble de textes écrits entre 1900 et 1913, mais qu'il est en train, comme l'attestent les manuscrits, de considérablement remanier. Il retire cinq contes et en ajoute un dernier, le « Cas du brigadier masqué c'est-à-dire le poète ressuscité ». Début février, il peut écrire à son éditeur P.V. Stock qu'il a « l''intention de faire paraître un volume de nouvelles si je trouve un éditeur. Je l'intitulerai le poète assassiné (…) » et pour lequel il souhaite contacter les frères Briffaut, fondateurs de la maison d'édition Bibliothèque des Curieux, à qui Apollinaire confiera l'édition de son recueil, en octobre. Il repart sur le front début mars, après une ultime permission à Oran chez Madelaine Pagès, avant de monter en ligne avec son unité à quelques kilomètres de Berry-au-Bac. mars : blessé le 17 mars par un éclat d'obus qui l'atteint à la tempe droite, il est transféré à l'hôpital italien du Quai d'Orsay, il est trépané le 9 mai et reçoit la Croix de guerre le 17 juin. Le recueil sera livré en librairie en novembre, avec, en frontispice, un portrait du « sous-lieutenant Guillaume Apollinaire » par André Rouveyre, répondant au dessin de couverture de Leonetto Cappiello : une illustration en couleurs montrant un cavalier au front sanguinolent. Le 9 novembre 1918, presque deux ans jours pour jours après la parution de ce livre, le poète mourrait de la grippe espagnole dans Paris presque libéré.
 Jointe : enveloppe d'expédition adressée à Apollinaire (1 enveloppe 145 x 110 mm, cachet de la Poste « Paris, 28 janvier [19]16 », avec son nom souligné 2 fois en rouge et bleu avec un espace entre les deux traits pour rappeler le drapeau français : elle est adressée à « Guillaume de Kostrowitsky / S=Lieutenant au 96 regt d'infanterie / Secteur Postal 139 ». L'enveloppe est imprimée à l'en-tête de « Hotel de Castille 37 rue Cambon à Paris » : à cette date, deux personnalités proches d'Apollinaire y résident : Natalia Gontcharova et Mikhaïl Larionov, pour qui le poète avait donné, en 1914, la préface pour le catalogue de l'ouverture de la galerie Paul Guillaume, qui présentait les oeuvres des deux artistes. 
En mars, il écrit à leur sujet à Max Jacob : " MM. GONTCHAROVALARIONOF [sic] sont je crois toujours hôtel de Castille, rue Cambon, je leur ai envoyé un poème qu'ils voulaient publier à Paris [...] mais je crains qu'ils le publient en Russie sans le publier ici [...] si tu avais du temps tu irais le copier et me ferais plaisir " (lettre à Max Jacob, 14 mars 1916, collection R.B.L.,22 mai 2019, n° 9). Bon exemplaire, sans rousseurs. Couvertures rognées en marge, affectant le ras de la dernière lettre en couverture.
28877 

6 - Marcel PROUST
À la recherche du temps perdu (Du côté de chez Swann. A l'Ombre des jeunes filles en fleurs. Le Côté de Guermantès. Sodome et Gomorrhe I. Sodome et Gomorrhe II. La Prisonnière (Sodome et Gomorrhe III). Albertine disparue. Le Temps retrouvé) 
Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française, Gallimard, 1946-1947. 15 vol. (115 x 1805 mm). Cartonnages éditeur d'après la maquette de Mario Prassinos. 
Série complète publiée à la Nouvelle Revue française. Exemplaires numérotés sur vélin labeur : ils portent tous le même numéro (696, au composteur, à chaque volume). 
Bel exemplaire, au dos et coins intacts et frais. Les dos sont très légèrement passés. Rare dans cette condition uniforme d’état et de même numérotation suivie. Huret, les cartonnages n.r.f., 422.
28943 

7 - Stéphane MALLARMÉ
Raoul DUFY
Madrigaux 
Paris, Éditions de la Sirène, (15 juin) 1920. 1 vol. (220 x 280 mm) de [64] p. Reliure souple à la bradel, maroquin vieux rose à bandes crénelées, dos lisse muet, plats ornés de crêpe à décor floral, rehaussé de cinq rivets métalliques placés prêts du mors, couvertures conservées, emboîtage (Reliure signée Kiyomiya, 2003). 
Édition originale.
Elle est illustrée de 25 compositions de Dufy à pleine page, réhaussées au pochoir par Raoul Dufy. Un des exemplaires numérotés sur vélin de Voiron (n° 653). Les dessins de Dufy viennent illustrer les textes plutôt badins de Mallarmé, qui seront édités quelques semaines plus tard aux éditions de la Nouvelle Revue Française sous le titre collectif de Vers de circonstance. C'est la première fois que le peintre s'adonnait à la lithographie et c'est Jean Cocteau, alors directeur littéraire aux éditions de la Sirène, qui fit le choix de Dufy, séduit qu'il avait été par les xylographies du peintre pour le Bestiaire d'Apollinaire. La même année, Dufy exécutera les décors et les costumes pour les représentations du Boeuf sur le toit de Cocteau. Il reviendra à la lithographie six ans plus tard, pour une édition du Poète assassiné publiée Au Sans Pareil. Délicate, précoce et rare reliure souple de Nobuko Kiyomiya. Talvart, XIII, 124 ; Mahé, 78 ; Monod, 7674.
28286 

8 - André MALRAUX
La Condition humaine
Paris, Gallimard, (5 mai) 1933. 1 vol. (115 x 185 mm) de 402 p., [1] et 1f. Maroquin framboise à encadrement, plats papier bois, dos lisse orné, titre doré, date en pied, tranches dorées, couverture et dos conservés ([Roger] Devauchelle). 
Édition originale.
Un des 309 exemplaires sur pur fil - un des neuf hors commerce (n° I).

Envoi signé : « À Monsieur L.D. Hirsch avec la sympathie d'André Malraux », enrichi d'un 'dyable' - petit dessin fantastiques dont l'auteur agrémentaient lettres et dédicaces, ici légendé : « Dyable de la critique aux aguets ». 
Louis-Daniel Hirsch était le directeur commercial des éditions Gallimard, à partir de 1925. Membre du comité de lecture, il était proche de certains auteurs, particulièrement Malraux et Giono. Le roman n'est finalement qu'une longue méditation sur l'Homme, comme l'écrira Jean Guéhenno, mis en scène par le romancier : « On se plaint que l'auteur ait dû aller chercher jusqu'en Chine les moyens de définir notre condition. C'est cela même au contraire qui, à mon sens, fait de ce livre un livre exemplaire où tous nos désordres, toutes nos grandeurs nous y apparaissent transportées au-delà du monde, éloignées de nous comme pour un spectacle. » (in ‘Europe’, déc. 1933). 
Bel exemplaire d’une pertinence provenance.
28763 

9 - Pierre MALO
La Féerie américaine 
Paris, Les Oeuvres françaises, 1936. 1 vol. (115 x 185 mm) de 186 p. et [2] f. Demi-maroquin bleu à bandes, filets dorés sur les plats, dos lisse orné, titre doré, date en pied, tête doré, couvertures et dos conservés, étui bordé (reliure signée de Semet et Plumelle). 
Édition originale. Un des 20 premiers exemplaires sur alfa (n° 1), seul papier. Prière d’insérer conservé, volant. Les années 30 sont, malgré la crise de 1929, l'occasion pour les écrivains français s'adonner à la redécouverte de New York. Les traversées transatlantiques sont réputées et prisées, et bon nombre d'écrivains, de Paul Morand (New York, 1930) à André Maurois, de Georges Duhamel à Céline, s'en apparent. Pierre Malo, plutôt habitué des rivages d'Afrique du nord, se pliera également à l'exercice en livrant un des ouvrages les plus aboutis sur le sujet avec cette Férie américaine. Le texte montre bien comment New York « apparaît comme une exception historique et artistique, élevé au rang de merveilles du monde moderne (...) c'est souvent ce côté positif qui semble l'emporter et déteindre sur l'imaginaire, surtout lors des adieux » (Gardereau, op. cit.). Ceux de Malo sont faits de ce bois : " Accoudé à la rambarde du pont des embarcations, j'échange avec tous mes amis venus en foule les paroles mélancoliques et sottes qui vous serrent la gorge un peu plus qu'on ne voudrait. Mais il n'est point question ici de se dire adieu. L'hospitalité et la gentillesse américaines sont telles que l'on quitte New York en ayant la certitude d'y revenir bientôt (...). Les parents, les amis de ceux qui partent ont envahi les quais. Serrés les uns contre les autres, au pied de la coque de l'Île-de-France, ils sautent sur place en manifestant une joie débordante... « . Dos passé. Thibault Gardereau, « Les répercussions du voyage de retour sur la représentation du Nouveau Monde entre 1890 et 1945 », revue Loxias n° 30, septembre 2010.
28828 

10 - Jean-Paul SARTRE
Le Mur 
Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française, (26 janvier) 1939. 1 vol. (120 x 190 mm) de 224 p. Maroquin noir, doublures et gardes de chèvre velours, titre doré, date en pied, tranches dorées sur témoins, couverture conservée, chemise à rabats de demi-maroquin à l'identique, étui bordé (reliure signée de Loutrel-Delaporte). 
Édition originale.
Un des 40 premiers exemplaires sur vélin pur fil (n° 1). 
L'un des livres majeurs de Sartre, constitué de cinq nouvelles dont « Le Mur », réaction affective et spontanée à la guerre d'Espagne. Ces nouvelles, les seules publiées par l'auteur, paraissent en juillet 1937 dans La Nouvelle Revue française et introduisent Sartre dans la maison Gallimard. Sans doute Paulhan a-t-il vu que l'actualité faisait de ce texte « un excellent produit d'appel », d'autant que La NRF avait jusqu'alors peu publié sur la guerre d'Espagne (L'Espoir de Malraux ne paraîtra qu'en décembre de cette même année). Le recueil suscite aussitôt l'admiration de Gide, et se voit attribuer le Prix du roman populiste en 1939, après une nomination au Goncourt. Le coup d'essai de Sartre dans le genre difficile de la nouvelle est un coup de maître, d'une virtuosité technique saluée par la critique, sauf celle d'extrême droite qui y voit un ouvrage provocateur, « ennuyeux et malsain » selon pour Brasillach : « faut-il dire que nous sommes partagés entre le dégoût, une invincible envie de rire, et une certaine pitié ? Car enfin, mon pauvre Sartre, ce ne doit pas être drôle de vivre toute la journée au milieu des mauvaises odeurs, des habitudes répugnantes, du linge sale, des chambres malsaines et de créatures qui ignorent la douche et le dentifrice ? » (In L'Action française, 13 avril 1939). Exemplaire court de marges, sans le dos. Très belle reliure janséniste de Loutrel, parfaitement établie.
28979 

11. -Max JACOB
Note autographe signée 
Saint-Benoît s/Loire, 19 Juin 1941. 1 f. (140 x 90 mm) de 15 lignes rédigées à l'encre noire sur papier quadrillé. « La poésie est un état d'âme à la fois terrestre et supra terrestre, accompagné d'un besoin d'extériorisation. ». Cachet humide « service de l'administration-prison-le vaguemestre » « La poésie est un état d'âme à la fois terrestre et supra terrestre, accompagné d'un besoin d'extériorisation. L'état mystique est une volupté en Dieu qui ne saurait s'exprimer sans se détruire. L'un est le contraire de l'autre ! L'extériorisation détruit la vie intérieure. cependant, les exercices mystiques en élevant l'homme élèvent aussi le poëte, car tant vaut l'homme, tant vaut le poëte, et il ne faut pas chercher ailleurs qu'en Dieu un petit supplément d'intelligence. La méditation laïque ne nous fait découvrir que nous-mêmes sans y rien ajouter ; mais la grâce de Dieu est vraiment une ajouture au potentiel. C'est pourquoi la Robe de Dieu qui est en symbolique, cette grâce, est collée à la chair et enlève le sang. Max Jacob - Saint-Benoit s/Loire 19 juin 1941.» Au début de juin 1941, Max Jacob rencontra chez un de ses amis, à Montargis, ville voisine, J. E., 18 ans, étudiant en médecine. Le père de ce jeune homme, au cours d'un dîner, lui posait cette question : Qu'est-ce qu'un vers lyrique ? Son interlocuteur réserva sa réponse par une boutade, puis se tournant vers J. E. : On ne peut pas parler de poésie devant des parents !... Mais rentré à Saint-Benoît, il achetait un cahier d'écolier chez l'épicière, inscrivait sur la couverture. "Cahier appartenant à J. E." et rédigeait sur du papier quadrillé, identique à celui de ce billet, ce " traité d'esthétique ", qui sera publié en juillet 1945 aux Éditions Gallimard sous le titre de Conseils à un jeune poète, suivi de Conseils à un étudiant. Envoyée par Max Jacob à Max-Pol Fouchet, cette note fut publiée sous la signature « un paroissien de Saint-Benoît » dans le numéro spécial de Fontaine consacré à « la poésie comme exercice spirituel » (Fontaine, n° 19-20, mars - avril 1942, p. 270-272). Elle fut conservée depuis par Max-Pol Fouchet. Vignale François. Lettres de Max Jacob à Max-Pol Fouchet (1939-1940). In : Les Cahiers Max Jacob, N°11-12, 2012. pp. 85-101 28689 

12 - Georges BATAILLE
Histoire de rats (journal de Dianus) 
Paris, les Éditions de Minuit, 1947. 1 vol. (165 x 205 mm) de 105 p. Maroquin brun, plats ornés d'un décor géométrique de papiers découpés identiques sur les deux plats, dos lisse, titré doré, tête dorée sur témoins, couverture et dos conservés, chemise à dos de plexiglas, étui bordé (reliure signée de Pierre-Lucien Martin, 1957). 
Édition originale, " en dépit de l'assertion contraire que justifie seule une erreur de la page « du même auteur » de Haine de la poésie » (note de Bataille ajoutée dans l'exemplaire Yves Breton-Destribats, (Christies, III, 2021, n° 28).
Un des 40 exemplaires de tête sur vélin blanc des papeteries d’Arches (n° 1). 3 eaux-fortes originales d’Alberto Giacometti, dont le frontispice. Comme annoncé à la justification, l’exemplaire comprend également une suite des trois autres eaux-fortes, différentes de celles de l’exemplaire, également tirées sur Rives Histoire de rats constitue une des trois parties de l'ouvrage Haine de la poésie, qui paraîtra la même année (avec L'Orestie, paru en 1946, et Dianus, inédit). Cette édition est illustrée de trois portraits gravés par Alberto Giacometti : Bataille serait le héros " maigre, physiquement malade, masochiste et lascif, nommé D." ; Diane Kotchoubey, qui sera bientôt l'épouse de Bataille, " sa belle amante aristocratique ", titrée B. ; A, sous les traits du prêtre sadique du texte, représenterait soit un autre aspect de Bataille, soit livre le portrait d'Alexandre Kojève, l'intellectuel russe qui fut le mentor philosophe de Bataille. « La question de la tête humaine fut le sujet central de la recherche de Giacometti toute sa vie. La tête et surtout les yeux sont le siège de l'être humain et de la vie dont le mystère le fascine. » (Fondation Giacometti). Très bel exemplaire, dans une reliure précoce à papiers découpés de Pierre-Lucien Martin, sur l'exemplaire n° 1. Parfait état. Wilson, Alberto Giacometti: Myth, Magic, and the Man, p. 226 ; Cornille, «Georges Bataille : un rat dans la bibliothèque», Revue de littérature comparée, vol. n°313, n°1, 2005, pp. 35-50 ; Kornfeld, 22-24
28958 

13 - Albert CAMUS
Portrait photographique
[Leysin, Alpes Vaudoises, janvier 1948]. 90 x 120 mm. Tirage argentique d’époque, mention manuscrite à la mine de plomb au verso, traces anciennes de colle au quatre coins verso. 
Épreuve originale du « portrait de Leysin ».
Elle a appartenu à René Char, avec ses initiales « R.C. » au verso, et cette note : « Albert Camus jeune homme ». 
Ce dernier a alors 35 ans. Nous sommes en janvier 1948, Albert Camus doit soigner sa tuberculose. Il se rend au sanatorium du Grand Hôtel à Leysin, en Suisse (canton de Vaud), où il rejoint Michel Gallimard qui y séjourne pour les mêmes raisons ; les deux hommes, accompagnés de l'épouse de Michel Gallimard, Janine, resteront sur place du 19 janvier jusqu'au 8 février. C'est pendant cette période que Camus termine L'État de siège et commence la rédaction des Justes. 
Ce célèbre portrait, dont un contretype est ensuite rentré aux archives Gallimard, a été utilisé par l'éditeur après l'obtention du Nobel ; il donnera alors lieu à plusieurs agrandissements (175 x 230 mm) et sera communiqué à la presse à ce moment là. On en connaît plusieurs épreuves, certaines dédicacées ou simplement simplement signées et datées par Camus (toutes datées 1958, au moment du Nobel, au moins trois). Une épreuve, également de ce grand format, était également présente dans la collection Gisèle et Mario Prassinos (Paris, Auction Art, février 2014, n° 47). 
Aucun tirage d'époque au format d'origine n'est connu en dehors de notre épreuve. Comme plusieurs des autres photographies faites en leur compagnie, à Paris ou en Normandie, chez les Gallimard, c'est Janine qui tient l'appareil. C'est donc elle qui oeuvre ici. Ce tirage d'époque fut peut-être ensuite offert à René Char par Camus ; l'autre piste, plus plausible, étant que Char, au moment de déménager le studio de la rue de Chanaleilles après la mort de Camus, ne l'ait récupéré ou que Francine lui ait donné, en souvenir de son amitié. Elle est ensuite restée la propriété du poète jusqu'à sa mort. Pièce exceptionnelle. 
Références : • Camus, Album pléiade, p. 188, n° 284, reproduit avec deux autres photographies de Leysin, avec Michel et Janine Gallimard, sous © collection particulière) ; Catherine Camus. Albert Camus, Solitaire mais solidaire, p.140 (reproduit, d’après contretype © Roger-Viollet) ; De Tipasa à Lourmarin, Exposition 2013, p. 8, en frontispice photographique du catalogue.
28930 

14 - Georges BATAILLE
 "Il est difficile, mais il est gai, de s'imaginer de pierre..." 
S.l.n.d. [circa 1949]. 1 double feuillet vélin d’Arches plié (320 x 385 mm), avec le texte directement rédigé sur les pages 1-2, à l'encre bleue, portrait sur parchemin contrecollé en page 3, en regard du texte. 
Manuscrit autographe signé, inédit.
Le texte est justifié et soigneusement rédigé par Bataille, faisant face au grand portrait à la pointe d’argent sur peau de vélin (23 x 30 cm). 
Il est l'oeuvre de Robert Lapoujade. Ce dernier réalisa en 1949 une cette exposition pour la galerie Chardin, à Paris : « Portraits d’écrivains » . L'événement (organisé par les éditions du Seuil) se décomposait en trois ensembles : 29 portraits de personnalités de l'époque (Bachelard, Bataille, Breton, Claudel, Eluard, Jouve, Mauriac, Parain, Ponge, Sartre, Supervielle, ... ), onze illustrations pour Les voies de petite communication de Louis Pauwels (Seuil, 1949), et des oeuvres diverses. Chaque portrait, exécuté à la pointe d'argent sur parchemin, est accompagné d'une méditation autographe de l'écrivain sur le thème du visage ; chacun des auteurs se livra avec pudeur et sincérité sur leur rencontre avec l'artiste, les sentiments que leur inspire leur portrait ou sur l'image qu'ils ont d'eux-mêmes. Pour ce portrait, antérieur au texte, Lapoujade aura dessiné à peine les contours de son visage, se concentrant sur l'expression intense de son regard et de sa bouche. Qui inspira ce texte, dense et important, de Bataille : « Il est merveilleux, il est risible d'être mort (...) Il est doux, il est puéril, il est voluptueux d'être mort : mort avalée comme une hostie, je ferme les yeux pour mieux rire et chanceler plus véritablement (...) je ne me dérobe pas à moi-même pour accorder mon existence à celle des autres, ou plutôt l'accord qui se fait vient de ma traîtrise avouée. Je me fais mais pour un temps trop court et bien comiquement le démon de la discorde, implacablement haï mais au fond (le plus souvent, il faut rire, ou il donne un malaise qui confine à l'éternuement) : je parle et je suis entendu criant à la figure de Jean ce que Jean n'aurait jamais dû entendre, le secret qui réduit le cou à un noeud d’étranglement ». L'ensemble était destiné à une publication, Figures vives, qui ne vit jamais le jour. En 1949, Bataille va quitter Vézelay, peu après la parution de La Part Maudite et d'Eponine ; ce même mois de mars, il écrit à Albert Camus, pour lui dire qu'il souhaite rassembler les articles qu'il a publiés sur lui dans Critique, sous le titre Albert Camus : moralité et politique. Il est alors nommé conservateur à la Bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, pour deux ans, avant de gagner Orléans en 1951. Le portrait de Breton par Lapoujade, de la même exposition - sans le manuscrit, perdu - ainsi que celui de Paul Eluard ont fait partie de la collection Destribats (V, 2022, n° 161 et III, 2021, n° 103).
 Ancienne collection Jean Hugues ; Collection Aristophil (Paris, vente 47, avril 2022, n° 168).
28894 

15 - René CHAR
Le Soleil des eaux 
Paris, H. Matarasso, (14 avril) 1949. 1 vol. (220 x 280 mm) de 146 p. et [1] f. Maroquin vert tendre, dos lisse tire doré, contreplats et gardes chèvre velours orange, couvertures et dos conservés, chemise et étui bordés (Reliure signée de D. Mitterrand). 
Édition originale. 4 eaux-fortes, dont 1 en couleur, par Georges Braque.
Un des 170 exemplaires sur vélin du Marais, signé par Braque et Char (n° 67).
Envoi signé
: "À Gaston Gallimard, en pensée amicale cette histoire, cette enfance autour du coeur et sous les yeux transparents. René Char ". 
C'est avec Le Soleil des eaux que s'inaugure la particulièrement importante collaboration de René Char et Georges Braque. Il a été publié peu de temps après leur rencontre lors d'une exposition de peintures et de sculptures contemporaines organisée par Christian et Yvonne Zervos au Palais des Papes en Avignon. René Char rédigea le scénario d'août à octobre 1946 : il raconte l'histoire d'une communauté de pêcheurs au début du siècle, en Provence, dans le Comtat Venaissin. L'implantation d'une usine au bord de la rivière Crillone qui baigne le petit village de Saint-Laurent déclenche une révolte parmi les pêcheurs de truites et d'anguilles, confrontés à la pollution de leur rivière par les rejets de chlore de cette papeterie. Yvonne Zervos, directrice de la galerie des Cahiers d'art, est contactée pour financer le projet du film et, sans expérience de la réalisation, René Char fait appel à quatre metteurs en scène successifs, qu'il se charge de « superviser ». Mais face aux conditions difficiles (dont la grande grève de 1947), les financiers se retirèrent et seuls quelques plans furent tournés. Char se tourne alors vers la scène : le spectacle sera créé en 1948 par la Radiodiffusion française sur une musique de Pierre Boulez et dans une réalisation d'Alain Trutat. La rencontre avec Braque, l'année suivante, donne enfin corps au projet d'une édition illustrée. C'est pour ce livre que le peintre inaugure le célèbre motif de l'oiseau ouvert : trois planches en noir et une planche frontispice en couleurs le représentent. Provenance : Vente "Surréalisme", Binoche-Renaud-Giquello, Paris, 27 mars 2009, n° 66 ; collection privée. P. A. Benoit, Bibliographie des oeuvres de René Char, 33.
28945 

16 - Albert CAMUS
Lettre autographe signée à René Char 
[Paris], [jeudi] 22 décembre 1954. 1 p. sur 1 f. (130 x 210 mm), à l'encre, signée "Albert Camus", à l'en-tête « nrf, 5 rue Sébastien-Bottin, Paris (VIIe)". Enveloppe conservée, postée de Paris, le 23 déc., à en-tête de la Librairie Gallimard, à " Monsieur René Char, 4 rue de Chalaneilles, Paris 7 ". 
Albert Camus vient tout juste de rentrer de Rome, après trois semaines de conférences, visites et rencontres. Un séjour bénéfique, et heureux.
Ce courrier vient en réponse à celui du 12 décembre 1954, (Correspondance, n° 109, éd. 2007) que Camus vient sans doute de trouver à son retour. René Char l'informait de son départ pour L'Isle-sur-la-Sorgue la semaine suivante. Si Camus veut le joindre, il lui indiquait qu'il le trouverait " au bout du fil entre 9h et 10 1/4. Car la maison de Tocqueville ne m'avisant jamais des appels à mon nom au téléphone (l'aristocratie ne fait pas savoir...), passé cette heure-là), je suis dans l'ignorance." Chose fut faite, et, malgré les précautions et l'avertissement de Char, sans aboutir : " J'ai appelé en vain. L'aristocratie m'a fait savoir, sans explications, que vous n'étiez pas là. Si vous êtes à l'Isle, je vous envoie tous les voeux pour l'année qui vient, et je vous attends. Si vous êtes à Paris, un coup de téléphone le matin, à n'importe quelle heure, et nous nous retrouverons. Je pense à vous avec toute mon affection. A.C ". René Char passera les fêtes et tout le premier trimestre en Provence, Albert Camus restant à Paris. La prochaine lettre entre les deux hommes sera celle de Camus à Char, le 18 mars, deux jours après le suicide de Nicolas de Staël, qui le bouleverse, qui l'a " empli en même temps de pitié et de colère "; ils ne se retrouveront qu'à partir de l'été, en Provence. Pour Camus, les mois de janvier et février seront ceux de nombreuses lettres (à Chiaromonte, Roland Barthes, Albert Memmi, Baptiste-Marrey) et surtout du contact avec Dino Buzatti : ce dernier lui donne son accord pour l'adaptation de Un Caso Clinico (Un Cas intéressant), pièce que Camus adaptera et mettra en scène deux mois plus tard, le 12 mars 1955. Il s'envolera pour Alger le 17 février, jusqu'au premier mars, avant un nouveau départ vers la Méditerranée, cette-ci pour la Grèce, où il séjourne du 26 avril au 16 mai. La Maison de Tocqueville et l'Aristocratie mentionnée et par Char et par Camus se rapportent au 4, rue de Chalaneilles, dans le septième arrondissement de Paris. Le comte de Tocqueville, descendant du célèbre économiste, loue les lieux au poète depuis le début de l'année, au premier étage. L'année suivante, Albert Camus le rejoindra, en louant un bureau-studio, au 3e étage. Les deux hommes se griffonneront dès lors des petits billets qu'ils se glissent sous leur porte. Il n'y avait qu'un seul téléphone installé dans l'immeuble, et "l'aristocratie" tocquevilienne, qui résidait au rez-de-chaussée, se chargeait d'informer leurs illustres locataires des communications extérieures. Pas toujours, à l’évidence... Les échanges en main privée de la correspondance Char-Camus sont rarissimes : ils sont conservés, pour une partie, à la Bibliothèque nationale de France, et, pour l’autre partie au Fonds Albert Camus d’Aix-en-Provence. Cette lettre était absente du volume de la correspondance publiée entre les deux hommes (Paris, Gallimard, 2007) ; elle a été rajoutée récemment lors de l’édition augmentée en 2018 (Coll. folio, p. 153, n° 115).
28917 

17 - Paul ÉLUARD
Un poème dans chaque livre
Paris, Louis Broder, coll. « Écrits et gravures » n° IV, (novembre) 1956. 1 vol. (185 x 205 mm) de [42] f. En feuilles, chemise-étui de l'éditeur. 
Édition originale de ce « Livre d’amitié ».
 Tirage unique à 120 exemplaires sur vélin de Rives (n° 65), signé par les illustrateurs. 
12 poèmes autographiés et choisis par Paul Éluard dans son oeuvre, depuis le recueil Exemples (1921) jusqu’à celui de Cours naturel (1938). 16 gravures et lithographies originales en noir et en couleurs, par Jean Arp, André Beaudin, Georges Braque, Marc Chagall, Oscar Dominguez, Max Ernst, Alberto Giacometti, Valentine Hugo, Henri Laurens, Fernand Léger, André Masson, Joan Miro, Pablo Picasso, Yves Tanguy, Jacques Villon. L’exemplaire porte les signatures autographes de tous les artistes à l’exception de Laurens, Tanguy et Léger, disparus comme Éluard avant la parution de l’ouvrage. Ce dernier, bien qu'il ait lui-même choisi les poèmes et pris le temps de recopier chacun d'eux pour ce recueil, est mort depuis quatre ans lorsque paraît le livre, devenu un hommage au poète par les peintres, ses amis, sous la main et la maîtrise d’art de Louis Broder. Il ne manque aucun des artistes qui ont collaboré au cours de sa vie avec lui, tous devenus, pour la grande majorité, de vrais amis et compagnons de route. Détail des illustrations : - deux pointes sèches de Pablo Picasso, dont une en frontispice et une sur double page - une eau-forte en couleurs sur double page de Georges Braque - une lithographie en couleurs sur double page de Fernand Léger - une eau-forte en couleurs de Max Ernst - une pointe-sèche en couleurs d'André Beaudin - une eau-forte sur double page de Marc Chagall - une eau-forte en couleurs d'André Masson - un bois en noir de Jean Arp - une pointe-sèche d'Oscar Dominguez - une eau-forte en couleurs sur double page de Joan Miró - une eau-forte d'Alberto Giacometti - une eau-forte en couleurs de Jacques Villon - un bois en couleurs d'Henri Laurens - un portrait de Paul Eluard à la pointe sèche de Valentine Hugo - et une eau-forte d'Yves Tanguy. La collection initiée par Broder comportait avant ce titre les volumes suivants : Le Rempart de brindilles (4 eaux-fortes de Wilfredo Lam, I, 1953) ; Galapagos, Les îles du bout du monde (11 eaux-fortes de Max Ernst, II, 1955) ; Chroniques des temps héroïques (3 pointes-sèches de Picasso, III, 1956) et La Bibliothèque est en feu (une eau-forte de Georges Braque, V, 1956). Suivront Août (4 eaux-fortes de Georges Braque, VII, 1958) et Nous avons (5 eaux-fortes de Miro, VIII, 1959). Parfait état, dans une rare condition en feuilles, tant bon nombre d’exemplaires ont été reliés. Etui insolé et quelques accrocs à ce dernier.
28956

18 - Léopold Sédar SENGHOR
Saint-John Perse ou poésie du royaume d'enfance 
Dakar, 24 décembre 1961. 1 vol. (210 x 275 mm) de 1 f., 19 ff.ch. et 1 f. Agrafé, sous couverture orange titrée. 
Tapuscrit original, corrigé, annoté, daté et signé par Senghor. Une vingtaine de corrections, typographiques, mais aussi d'ajouts et d'annotations au texte - conformes au texte final - elles sont toutes de la main de Senghor. Saint-John Perse fait paraître Amers, le plus long de ses poèmes, en 1957, qui marque le retour au pays de l'enfance, puis Eloges en 1960, sur la même veine : la première section du recueil, intitulée Pour fêter une enfance, se compose de six poèmes de même longueur dans lesquels se déploie un hymne aux premières années de la vie. Une découverte pour Senghor, et un nouveau choc, qu'il présente comme un « foudroiement » au début de cette étude. Elle paraît dans « La Table ronde » en mai 1962 et permet d'apprécier toute l'importance de la poésie de Perse pour Senghor, dont l’intérêt date de l’immédiat après-guerre. Dans la postface d'Ethiopiques, rédigée en 1954, Senghor précise : « Les poètes de l'Anthologie ont subi des influences, beaucoup d'influences ; ils s'en font gloire. Je confesserai même - Aragon m'en donne l'exemple - que j'ai beaucoup lu, des troubadours à Paul Claudel. Et beaucoup imité. [...]. Je confesserai aussi qu'à la découverte de Saint-John Perse, après la Libération, je fus ébloui comme Paul sur le chemin de Damas ». Et Senghor de se rappeler son premier contact avec le poète : « Je me souviens encore l'événement. C'était, sur ma table, un nouveau numéro des Cahiers du Sud, où j'avais publié un poème en 1938. Nous étions sous l'Occupation. Dans ce numéro, un poème signé Saint-John Perse, avait retenu mon attention. M'avait foudroyé comme Paul sur le chemin de Damas. Il s'intitulait Exil. Je connaissais le nom du poète, mais je ne l'avais pas encore lu, alors que j'avais, dans mes tiroirs, la matière de deux recueils. » (Loïc Céry, in L'horizon persien de Léopold Sédar Senghor, colloque Saint-John Perse, Nice, 2002). Saint-John Perse ne fut pas insensible à une telle marque d'admiration : dans une lettre adressée à Jean Paulhan depuis New York le 5 juin 1962, soit peu après la parution de l'article dans la revue « La Table ronde », Perse écrit à Jean Paulhan : « On me communique un numéro de La Table ronde contenant sur mon oeuvre une étude des plus inattendues et des plus sympathiques de Senghor, que je ne connais pas personnellement (...) J'y ai trouvé des choses intéressantes rejoignant le fond poétique propre à l'Afrique noire. » Loin de l'exégèse gratuite, cette lecture a emporté l'adhésion de Perse, et c'est celui par lequel il rentreront alors en contact direct. Il est intéressant de signaler que parmi les archives de la Fondation Saint-John Perse se trouve une copie du tapuscrit [87.C du fond Critique], qui aurait été transmise apparemment par l'écrivain lui-même à la Fondation d'Aix-en-Provence : un don qui ressemble fort à un hommage supplémentaire. Saint-John Perse ou poésie du royaume d'enfance sera ensuite intégré à Liberté 1, Négritude et humanisme, qui paraît au Seuil en 1964. Modernité de Saint-John Perse, in Actes du colloque de Besançon des 14, 15 et 16 mai 1998. Presses universitaires franc‑comtoises, vol. 96, 2001 ; « Postérités de Saint-John Perse », in Actes du colloque, Université de Nice-Sophia Antipolis, mai 2000.
26647 

19 - [Winston S. CHURCHILL]
Memorial Addresses in the Congress of the United States and Tributes in Eulogy of Sir Winston Churchill. Soldier - Statesman - Author - Orator - Leader. 
Washington, DC: United States Government Printing Office, 1965. 1 vol. (140 x 190 mm) de 246 p. Cartonnage toile verte, titre doré en long et sur les plats, rhodoïd. 
Édition originale.
Exemplaire de luxe sous cartonnage spécial, aux fers dorés du Congrès américain au premier plat, avec feuillet nominatif ajouté en tête : « For the Lord Avon from John F. Flynt Jr A Representative in the Congress of the United States of America 24 January 1966 ». 
Ce précieux exemplaire est dédicacé à Anthony Eden, ancien secrétaire aux affaires étrangères de Churchill pendant la guerre et Premier ministre britannique en 1951, à la suite de Winston Churchill. Le volume est offert par le représentant de la Géorgie John J. Flynt Jr., élu démocrate qui siégea à la Chambre des représentants des États Unis de 1954 à 1979. 
Winston Churchill est décédé le 24 janvier 1965, à l'âge de 90 ans : il s'agissait des premières funérailles d'État pour une personnalité non membre de la famille royale depuis Edward Carson et elles resteront les plus récentes funérailles d'État au Royaume-Uni jusqu'à celles de la reine Élisabeth II le 19 septembre dernier. Le président Johnson étant souffrant, les États-Unis envoyèrent Earl Warren, président de la cour suprême, l'ancien président Dwight D. Eisenhower, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Dean Rusk aux funérailles, qui eurent lieu le 30 janvier. Trois jours plus tard, le 3 février 1965, un jeune élu démocrate de Géorgie, John Flynt, soumet une résolution à la chambre des Représentants, la chambre basse du Sénat américain : rassembler et constituer un document interne, à fin de publication, pour un hommage du pays et de ses élus envers Winston Churchill ; " these remarks would be printed and bound as directed by the Join Committee on Printing of 10 copies of such document for use by each Member of the House of Representatives and 15 copies for use by each Member of the Senate. This House document would become a tangible symbol of the gratitude of the American people for the life of Winston Churchill and the contributions which he made during his life of four score years and ten ". La résolution est adoptée par le Sénat un mois plus tard, le 29 mars 1965, et Flynt est nommé maître d'oeuvre de la publication. Il en écrira la préface et, pendant près d'une année, travailla à sa rédaction. Le volume regroupe, d'une part, les documents du Sénat relatifs au vote, le 9 mars 1963, proclamant Churchill citoyen d'honneur des États Unis, couronnant cinq ans d'efforts des parlementaires américains pour décerner au grand homme d'État ce suprême hommage, d'abord refusé par Churchill en 1958 sous ce motif : " Déjà à moitié de sang américain, écrivait-il, il me semble préférable d'en rester là plutôt que de recevoir un sceau officiel sur l'affection et le grand respect que je porte à votre pays. " A la suite, le volume présente la totalité des discours et hommages donnés à la tribune du Congrès - haute et basse chambres - par les représentants, à partir du 25 janvier 1965, ainsi que ceux publiés dans la presse par des représentants alors trop éloignés de Washington ce jour-là. Conformément au souhait de Flynt, un tirage spécial est réservé à l'attention des membres du Sénat, à hauteur de 5860 exemplaires (pour 10 à 15 exemplaires par représentant, selon leur chambre). Parmi ceux-là, une poignée seront nominatifs avec un feuillet de dédicace ajouté et libellé par John Flynt, à l'attention des hautes personnalités américaines et étrangères. Celui-ci est l'exemplaire adressé à Anthony Eden, l'ancien Premier Ministre britannique et plus fidèle compagnon de route, depuis 1940, de Winston Churchill. Une lettre signée de Flynt à l'adresse d'Anthony Eden accompagne l'exemplaire, datée du 24 janvier 1966 : [traduction] « Cher Lord Avon, En tant que membre du Congrès des États-Unis d'Amérique, j'ai l'honneur de vous présenter cet exemplaire des Discours et Hommages commémoratifs qui ont été prononcés au Congrès américain à la mémoire et en hommage de Sir Winston Churchill. Ces témoignages parlent d'eux-mêmes et il est approprié que vous receviez cet hommage au grand homme et au grand citoyen du monde, à l'occasion du premier anniversaire de sa mort en janvier 1965. En vous demandant d'accepter ce témoignage de respect et d'affection pour Sir Winston de la part du peuple américain, pour lequel les membres du Congrès sont conscients des relations profondes et intimes que vous entretenez avec lui. Nous vous sommes reconnaissants des liens d'amitiés et de sympathie qui vous nous avez tant marqués et qui nous ont tous si magnifiquement servis. Avec le plus grand respect, John J. Flynt, Jr". Nommé ministre des Affaires étrangères en 1951, lors du retour au pouvoir de Churchill, Eden lui succède au poste de Premier ministre le 12 avril 1955. En novembre 1956, il engage le Royaume-Uni dans l'expédition militaire de Suez aux côtés de la France, mais doit mettre fin aux opérations sous la pression des Américains. Le 9 janvier 1957, il se retire de la vie politique officiellement pour raisons de santé. Il est remplacé par Harold Macmillan. Vingt ans plus tard, à l'hiver 1977 et alors qu'il est en visite chez Averell Harriman, ancien conseiller de Roosevelt pendant la guerre, il doit être rapatrié d'urgence en Angleterre ; il y meurt le 14 janvier 1977, dans son manoir d'Alvediston, dans le Wiltshire. 
Une tache [café ?] en marge du feuillet nominatif, sinon parfait état.
28960 

20 - Octavio PAZ
Vento entero
Delhi, The Caxton Press, 1965. 1 vol. (175 x 260 mm) de 12 f. Broché. 
Édition originale.
Tirage unique à compte d'auteur sur une presse privée à Delhi, à 197 exemplaires, tous signés (n° 42). 
Ils sont imprimés sur un papier chiffon d'une petite ville des faubourgs de Jaipur, la capitale du Rajasthan, connue pour sa fabrication du papier fait main : Sanganer. Envoi signé : " à Max-Pol Fouchet, amistad y poesie, una misma Fuente, una misma agua clara. Octavio Paz ". 
Très bel envoi en clin d'oeil au fondateur de la revue Fontaine [« amitié et poésie, une même fontaine, une même eau claire »]. Et d'importance : c'est dans Fontaine que les deux premiers textes de Paz sont publiés, dans le n° 57 de décembre 1946 : deux poèmes, ″Sueño de Eva″ et ″Cuarto de hotel″, en version bilingue, avec une traduction de… Max-Pol Fouchet. Cette rare publication est publiée à compte d'auteur, sur place, en août 1965, au retour d'un séjour en Afghanistan. Paz était alors déjà un écrivain reconnu - l’auto-édition est rare chez lui - et il n'aurait rencontré aucun obstacle pour faire publier son poème chez son éditeur habituel. Pourquoi alors une telle urgence à le publier lui-même, à Delhi, pour l'envoyer immédiatement à ses amis ? La réponse tient en un nom : Marie Jo. Sa rencontre, l'année précédente, "entre la rue Montalambert et la rue du Bac", avec Marie-José Tramini vient instantanément bouleverser sa poésie et sa vie entière. Il l'épouse l'année suivante ; elle le suit à Delhi, puis à Kaboul, où il compose Viento entero. « El pájaro caído / entre la calle Montalambert y la de Bac / es una muchacha / detenida / sobre un precipicio de miradas […] » « L'oiseau tombé / entre la rue Montalambert et la rue de Bac / est une fille / retenue / sur un précipice de regards […] ». 
C'est ce poème qui fut choisi en mars 2014 par le ministère de la Culture au Mexique pour célébrer le centenaire de la naissance de leur premier prix Nobel de littérature ; un poème fondamental dans son oeuvre, étroitement lié à la vie de Paz et de son renouveau amoureux grâce à sa relation avec Marie José. Le couple, qui ne se quittera pour ainsi dire jamais jusqu’à la disparition de Paz au printemps 1998, séjournera à New Delhi jusqu'en 1967. Paz y apprendra la nouvelle du massacre de Tlatelolco, qui met fin au mouvement social qui agitait la ville de Mexico depuis octobre. Ecoeuré par cet écrasement auquel succèdent d'hypocrites jeux olympiques, le poète ambassadeur démissionne de son poste et désavoue le gouvernement oppresseur de Gustavo Diaz Ordaz. Dans une note, Paz déclarera que " le poème est une succession de paysages, de situations et de moments - à la manière d'un 'renga' japonais (succession de haïkus) (...) Les paysages et les situations qui défilent dans le poème font allusion à un voyage réel dans le nord de l'Inde et en Afghanistan. Chaque strophe est un paysage, une situation ou un moment de ce voyage...". Un état d'esprit curieux et amoureux, où " Viento entero représente complètement mon état d'esprit actuel (...) Viento entero représente ce que je pense, crois et veux ", écrit Octavio Paz au poète et traducteur français Jean-Clarence Lambert le 5 avril 1967. 
Belle provenance et parfait état.
28977 

21 - Charles DE GAULLE
Discours et Messages : * Pendant la Guerre (juin 1940 - janvier 1946). ** Dans l'Attente (février 1946 - avril 1958). *** Avec le Renouveau (mai 1958 - juillet 1962) **** Pour l'Effort (août 1962 - décembre 1965). ***** Vers le Terme (janvier 1966 - avril 1969). 25 000 € Paris, Plon, 1970. 5 vol. (145 x 215 mm). Brochés, sous chemise et étui. 
Édition originale.
Un des exemplaires sur pur fil. Envoi signé au premier tome : " Pour Lord Avon [Anthony Eden], en fidèle et amical souvenir, C. de Gaulle, 28.4.70 ". 
Ces cinq volumes réunissent les discours prononcés par le Général de Gaulle, depuis le célèbre appel du 18 juin 1940 au discours du 28 avril 1969. Les textes exacts ont pu être conservés, soit écrits de sa main pour les allocutions radiodiffusées et télévisées, soit notés par sténographie officielle pour ses discours en public ou devant les Assemblées.Magnifique provenance : celle d'Anthony Eden, ministre de la guerre de Churchill pendant les années du conflit, puis ministre des Affaires étranges, puis Premier ministre du Royaume-Uni, de 1955 à 1957. Anthony Eden fut élevé à la pairie le 12 juillet 1961, obtenant les titres de vicomte Eden et de comte d'Avon, le 12 juillet 1961. Les relations avec Charles de Gaulle furent, depuis leur rencontre en 1940 à Londres, constantes et empreintes d'une réelle collaboration puis d'une amitié. De Gaulle, constamment, lui offrira chacun de ses livres, et une importante correspondance témoigne des liens étroits qui les unissaient. Le premier volume des Discours paraît en avril 1970, et est aussi envoyé à Anthony Eden. Les autres volumes suivront, au cours de l'année 1970 ; de Gaulle, souffrant, mettant un point d'honneur, depuis la Boisserie, à corriger les dernières épreuves et celles des Mémoires d'espoir, publiées conjointement. Il décède le 9 novembre 1970 - soit quatre jours après la parution du quatrième volume, Pour l'effort. Le dernier, Vers le terme, sera achevé d'imprimer le 24 novembre. 
Très belle série, complète, d’exceptionnelle provenance.
Les dos des trois premiers volumes sont passés. Les deux derniers furent sûrement expédiés après la mort de De Gaulle.
28812 

22 - Jean RASPAIL
Le Camp des saints
Paris, Laffont, (13 décembre) 1972. 1 vol. (140 x 200 mm) de 408 p., [3] et 1 f. Broché. 
Édition originale.
Rare premier tirage.
Envoi signé de l’auteur et de l’éditeur : « à M. Guionie, en très sympathique hommage, Jean Raspail, Paris, 13 déc. 72 » ; " Avec le meilleur souvenir de Jacques Peuchmaurd. Ce livre est formidable ! ". 
Double-envoi des plus précoces : la date est celle du lendemain de l'achevé d'imprimer du volume en premier tirage (12 décembre) ; c'est aussi la date du courrier envoyé aux libraires afin de promouvoir l'ouvrage, ici joint : « Le Camp des saints. Sujet grave et grand sujet, si il en est (…) On épousera ou on épousera pas le point de vue de Jean Raspail. Au moins le discutera-t-on, et passionnément. Ce qu'il dit est trop important pour ne pas être entendu, pour ne pas bouleverser (…) Pour que vous jugiez vous-même, nous vous adressons dès aujourd'hui, avec un mois d'avance, un exemplaire du Camp des Saints. Lisez ce livre et dites-nous, quelle que soit votre opinion, si nous avons raison d'y croire comme nous le faisons ». Le courrier est signé Jacques Peuchmaurd, directeur littéraire chez Robert Laffont. Il sera quelques mois plus tard le fondateur et l'animateur de l'École de Brive, créé cette même année 1973 lors de la première édition du Festival du livre de Brive-la-Gaillarde - dont il est un des ardent promoteur -, avec Claude Michelet, Denis Tillinac et Christian Signol. Et comme l'histoire aime être ronde, l'exemplaire est justement offert à l'un des libraires les plus emblématiques d'alors de cité corrézienne : à Jean Guionie, qui tenait la librairie éponyme dans la rue de l’Hôtel-de-ville. Le camp des lucides et des clairvoyants contre celui des idéalistes inconscients de la « submersion migratoire » ? Livre honni pour les uns, de prophète pour les autres, ce roman-bréviaire entre en résonance avec l'époque : « Ce livre est né étrangement, explique l'auteur dans un entretien au Point du 29 septembre 2015. J'étais dans le Midi, un jour de 1972, chez une tante de ma femme, près de Saint-Raphaël, à Vallauris. J'avais un bureau avec une vue sur la mer et je me suis dit : ‘Et s'ils arrivent ?' Ce ‘ils' n'était d'abord pas défini. Puis j'imaginais que le tiers-monde se précipiterait dans ce pays béni qu'est la France. C'est un livre surprenant. Il a été long à écrire, mais il est venu tout seul. J'arrêtais le soir, je reprenais le lendemain matin sans savoir où j'allais. Il y a une inspiration dans ce livre qui est étrangère à moi-même. Je ne dis pas qu'elle est divine, mais étrange (…) Au départ, Le Camp des saints n'a pas marché. Pendant au moins cinq ou six ans, il a stagné. Il s'est peu vendu. Après trois ans, brusquement, le chiffre des ventes a augmenté. Le succès est venu par le bouche à oreille et grâce à la promotion qu'en ont faite des écrivains de droite. Jusqu'au jour où, en 2001, un bateau de réfugiés kurdes s'est échoué à Boulouris, près de Saint-Raphaël, à quelques mètres du bureau où j'ai écrit Le Camp des saints ! Cette affaire a fait un foin terrible dans la région. Du coup, on a reparlé de mon livre et il a touché un large public. C'était le début d'une arrivée maritime de gens d'ailleurs. Je suis un peu honteux, car lorsqu'il y a une vague importante de migrants, on le réimprime. Il est consubstantiel de ce qui se passe. »
28976

 23 - Octavio PAZ
Carta de creencia. Cantata 
Mexico, Papeles Privados, (septembre) 1987. 1 vol. (160 x 255 mm) de 17 p., 1 f. et 3 sérigraphies originales par Arnaldo Coen. En feuilles, sous étui éditeur. 
Édition originale. Tirage unique à 300 exemplaires sur vergé, signés et numérotés par Paz (n° 66). 
Envoi signé : « A Jorge [Semprun], con amistad fraternel Octavio ». Un autre poème important d'Octavio Paz, repris dans son grand recueil poétique qui paraît en Espagne quelques mois plus tard, Árbol Adentro (L'arbre parle). Trois ans plus tard, Otavio Paz sera couronné du prix Nobel de littérature. Considéré comme l'un des plus grands poètes de langue espagnole du XXe siècle, on a comparé son influence sur la littérature hispanique et mondiale à celle de Juan Ramón Jiménez, Vicente Huidobro, César Vallejo, Jorge Luis Borges, Gabriel García Márquez ou encore Pablo Neruda. De la bibliothèque de Jorge Semprun (avec tampon et envoi) : très belle provenance du célèbre écrivain et homme politique, auteur de L'Écriture ou la vie, et ministre de la Culture en Espagne entre 1988 et 1991, dans le gouvernement de Felipe Gonzales.
17028 


24 - Louis-Ferdinand CÉLINE
Londres

Paris, Gallimard, (septembre) 2022.
1 vol. (145 x 220 mm) de 558 p. et [8] f. Broché, non coupé.

Édition originale.
Un des 310 exemplaires sur vélin rivoli (n° 251) - seul grand papier.
Deuxième volet, après Londres, de la trilogie de Louis-Ferdinand Céline ayant récemment refait surface.
État de neuf.
28992 

découvrez ces autres ouvrages

Back to Top