Paris, Impr. de la Société litt. typ. [Kehl], chez Ruault, 1785
1 vol. (150 x 225 mm) de lii, 199 pp. et 1 f. d'errata. Maroquin rouge, dos à nerfs, décor mosaïqué au dos et sur les plats, titre et tranches dorés, doublures de maroquin rouge mosaïqué, sous étui-chemise (Guild of Women-Binders, [Florence de Rheims], circa 1903).
1 vol. (150 x 225 mm) de lii, 199 pp. et 1 f. d'errata. Maroquin rouge, dos à nerfs, décor mosaïqué au dos et sur les plats, titre et tranches dorés, doublures de maroquin rouge mosaïqué, sous étui-chemise (Guild of Women-Binders, [Florence de Rheims], circa 1903).
Deuxième tirage, le premier avec les illustrations.
Somptueuse reliure sortie des ateliers de la Guild of Women-Binders (Guilde des femmes relieurs, 1898-1904) : « Fondé par le libraire anglais Franck Karslake en 1898, ce regroupement d'intérêts féminins pour la reliure est étonnant et retient pas les tours de force que réalisent une vingtaine de jeunes femmes (…). C'est avant tout un hymne à l'artisanat et à tout ce qu'un savoir-faire irréprochable autorise. Les réalisations sont étourdissantes par la science de la mosaïque, de l'incrustation et de la gravure qu'elles expriment ; ces reliures, oscillant entre Art nouveau et l'esprit classique, mais jouant de la démesure pour ce qui est du décor, sont anonymement signées à l'or "Guild of Women-Binders sans la moindre indication du nom de la dame ou de la demoiselle qui conçoit et réalise l'objet » (Yves Peyré, Histoire de la reliure de création, La collection de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, p. 137).
Les types de fers et de décors permettent néanmoins d'identifier, pour les plus célèbres d'entre-elles, les mains délicates qui furent à l'oeuvre. Les fers employés ici sont ceux de la période 1902-1904, et particulièrement ceux utilisés par les sœurs Edith et Florence de Rheims - cette dernière, dont l'art de la mosaïque était sans égal dans l'atelier, ayant donné des travaux tout à fait similaires.
Les plats, comme toujours, sont systématiquement doublés d'une décor ornementé et mosaïqué et les exemplaires les plus précieux possèdent une garde sur peau de vélin, ici présente, avec en titrage inférieur la mention dorée "Guild of Women-Binders".
L'exemplaire est absent de l'inventaire dressé en 1902 (The Bindings of To-Morrow. A Record of the Work of the Guild of Women-Binders and of the Hampstead Bindery. London: [Griggs & son], 1902), confortant l'idée d'une reliure de Florence de Rheims vers 1903 ou 1904 ; il est également absent du répertoire de Nixon (Five centuries of English Bookbinding, 1978). Il figure en revanche dans la vente organisée en novembre 1904 chez Sotheby's, à la dissolution de la guilde : l'exemplaire y figure sous le n° 21 - adjugé 3 £.
L'édition originale du Mariage du Figaro parut sans figures. « On y ajouta presque aussitôt cinq planches, dessinées par St Quentin, et gravées les quatre premières par Malapeau, la dernière par Roi. Il se trouve donc des exemplaires avec, et d'autres sans les figures [...] L'édition imprimée à Kehl avec les caractères qui servaient pour le Voltaire, présente les mêmes 5 figures dessinées par St Quentin pour l'originale, mais plus grandes, plus belles et gravées (actes 1, 3 et 5) par Liénard, (acte 2) par Halbou, (acte 4) par Lingée ». Elle contient la même approbation et le même permis d'imprimer que la première édition (25 et 31 janvier 1785). Pour pallier les nombreuses contrefaçons - près de vingt la même année - qui avaient innondé les librairies, Beaumarchais décida d'imprimer lui-même une nouvelle édition dans son imprimerie à Kehl, celle-la même qui donnait au même moment les OEuvres complètes de Voltaire en 70 volumes (1785-1789). Beaumarchais disposait sur place de tout le matériel nécessaire (notamment les caractères rachetés à grand frais en Angleterre, chez John Baskerville) et surtout du papier : en vue de son édition monumentale, pour laquelle près de 70 tonnes de papier seront nécessaires, Beaumarchais avait acquis en 1779 un des fleurons de la papeterie européenne traditionnelle : les usines d'Arches (Vosges), près d'Epinal. Elle disposait alors des meilleurs papiers pour l'impression typographique et fabriquait, depuis 1492, un papier réputé et réservé, depuis le XVIII° siècle, aux éditions de luxe et dont la renommée, outre la qualité des chiffons, tenait principalement à la qualité des eaux des Vosges : la Moselle et surtout les petits cours d'eaux et les sources locales. Les plus anciens documents attestant de l'existence de la papeterie d'Arches remontent en l'an 1464 et en 1506. Située proche de l'Allemagne, où apparaît l'imprimerie, elle fournira bon nombre de papier pour l'impression des incunables, dont la « Chronique de Nuremberg » illustrée par Dürer. Le rachat des lieux par Beaumarchais est un signe précurseur de l'alliance d'un homme de lettres au service de la fabrication et de la diffusion du livre.
C'est donc du stock des beaux vélins d'Arches destinés au Voltaire que Beaumarchais va ponctionner le papier nécessaire à "son" édition du Figaro, à laquelle il adjoint cinq planches des figures de Saint-Quentin, gravées par Liénard, Halbou et Lingée. Cette édition, plus élégante que l'originale, fut un succès. Les contrefaçons étaient certes de peu qualité, mais l'impression de Kehl les surpassait outrageusement. Et Beaumarchais pouvait sourire : les planches de Paris brûlaient sous Figaro : si la censure avait interdit jusqu'en 1783 la représentation de la pièce, l'année 1784 sera celle du triomphe : « C'est un des souvenirs les plus connus du xviiie siècle. Tout Paris se pressant dès le matin aux portes du Théâtre-Français, les plus grandes dames dînant dans les loges des actrices, afin de s'assurer des places, la garde dispersée, les portes enfoncées, les grilles de fer brisées sous les efforts des assaillants, trois personnes étouffées. Sur la scène, après le lever du rideau, la plus belle réunion de talents qu'ait peut-être jamais possédée le Théâtre-Français, tous employés à faire valoir une comédie pétillante d'esprit entraînante de mouvement et d'audace qui, si elle choque ou épouvante quelques-unes des loges, enchante, agite et enflamme un parterre électrisé. Voilà le tableau qui se trouve partout. » (Louis de Loménie, Beaumarchais et son temps). D'avril 1784 à janvier 1785, Le Mariage de Figaro est représenté soixante-huit fois consécutives et engrange de grosses recettes - bienvenues tant les frais du Fort de Kehl ne cessent de s'accumuler. Mais avec quelques surplus d'argent gagné, Beaumarchais fonde dès 1784 un institut de bienfaisance pour les mères nourrices pauvres.
ENGLISH NOTICE
Red morocco, spine ribbed, mosaic decoration on spine and plates, gilt title and edges, red morocco mosaic lining (Guild of Women-Binders, [Florence de Rheims], circa 1903).
"Founded by the English bookseller Franck Karslake in 1898, this grouping of women's interests in bookbinding is astonishing and does not hold back the feats of strength achieved by some twenty young women (Constance Karslake, Edith de Rheims, Florence de Rheims, Helen Schofield, Frances Knight, Annie Macdonald, Mary Downing, Miss Baly, Hélène Cox, Lilian Overton...), undeniably professional (out of more than sixty members). Above all, it is a hymn to craftsmanship and to everything that irreproachable know-how allows. The achievements are stunning by the science of mosaic, inlay and engraving that they express [... ...], these bindings, oscillating between Art Nouveau and the classical spirit, but playing with excess in terms of decoration, are anonymously signed in gold "Guild of Women-Binders without the slightest indication of the name of the lady or young lady who designs and makes the object" (YVes Peyré, Histoire de la reliure de création, La collection de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, p. 137). The types of irons and decorations nevertheless make it possible to identify, for the most famous among them, the delicate hands that were at work.
For this sumptuous binding, the binding irons are those of the period 1902-1904, used by the sisters Edith and Florence de Rheims, and more precisely by the latter, whose mosaic art was unequalled in the workshop, with the exception of Hélène Cox, with her exuberant but perfect figures. For the bookbinders mentioned, the plates are systematically lined with ornamented and mosaic decoration and the most precious copies have a vellum back cover, here present, with the gilded inscription "Guild of Women-Binders" in the lower title.
Regarding the text :
La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro, Comédie en cinq actes, en prose. Représentée pour la première fois, par les Comédiens français ordinaires du Roi, le mardi 27 avril 1784.
First edition - second issue, the one containing the illustrations: The first issue appeared without figures. Almost immediately five plates were added, drawn by St Quentin, and engraved the first four by Malapeau, the last by Roi. The edition printed in Kehl with the characters used for Voltaire, presents the same five figures drawn by St Quentin for the first issue, but larger, more beautiful and engraved (acts 1, 3 and 5) by Liénard, (act 2) by Halbou, (act 4) by Lingée". It contains the same approval and printing permission as the first edition (January 25 and 31, 1785).
Cohen, col. 125 ; Tchemerzine, t. II, p. 16.
The copy is absent from the inventory drawn up in 1902 (The Bindings of To-Morrow. A Record of the Work of the Guild of Women-Binders and of the Hampstead Bindery. London: [Griggs & son], 1902), supporting the idea of a binding by Florence de Rheims around 1903 or 1904; it is also absent from Nixon's repertoire (Five centuries of English Bookbinding, 1978). Its only mention is that of the sale organized in November 1904 at Sotheby's, at the guild's dossolution: the copy appears there under n° 21 - sold for £3.
The copy is absent from the inventory drawn up in 1902 (The Bindings of To-Morrow. A Record of the Work of the Guild of Women-Binders and of the Hampstead Bindery. London: [Griggs & son], 1902), supporting the idea of a binding by Florence de Rheims around 1903 or 1904; it is also absent from Nixon's repertoire (Five centuries of English Bookbinding, 1978). Its only mention is that of the sale organized in November 1904 at Sotheby's, at the guild's dossolution: the copy appears there under n° 21 - sold for £3.
19639

