Arthur RIMBAUD 
Une saison en enfer 

Bruxelles, Alliance typographique (M. J. Poot et Compagnie), 1873. 
1 vol. (184 x 122 mm) ; couverture et [17] page non imprimées [3-4, 13-14, 18-20, 27-28, 37-38, 42-44, 47-48 et 50]. Exemplaire broché, sous étui-chemise (Pierre-Lucien Martin).
Édition originale.   
​​​​​​​Une Saison en enfer est la seule publication faite et corrigée par Rimbaud de son vivant. 
Le 20 juillet 1873, quelques jours après le fameux coup de feu de Verlaine, Rimbaud sort de l'hôpital et quitte Bruxelles pour se rendre à Roche. Il y écrit l'essentiel d'Une saison en enfer et, fin août, fait parvenir les manuscrits à l'imprimerie bruxelloise de M.J. Poot, l'Alliance typographique. En septembre, les exemplaires sont imprimés. On connaît (à peu près) la suite : Raymond Losseau, l'imprimeur Poot à Bruxelles, la descente à la cave, le ballot poussiéreux, le poële : « C'était en 1901 [décembre 1902, en fait]. Je recherchais un tirage à part de la Belgique judiciaire, recueil qui pendant soixante ans fut imprimé à Bruxelles (...) Vous comprendrez quelle fut l'émotion que ressentit le bibliophile lorsqu'il vit ce que contenait un ballot sali, maculé, couvert de poussières que parmi d'autres il venait de soulever : des centaines d'exemplaires de la Saison en Enfer de Rimbaud ! »
Rimbaud n'avait pas payé sa facture. L'imprimeur avait gardé les ouvrages et son commis, Adrien-Roméo de Ghilage, qui était ouvrier au moment de la composition, en 1873, était devenu le successeur de Poot, au 49 de la rue aux Choux. Les archives, la cave, tout cela n'avait pas bougé 28 ans après, lorsque Losseau, à la recherche d'un titre épuisé, avait poussé la porte de l'imprimeur.  Il rachète la totalité des exemplaires qui pouvaient être sauvés et numérote les premiers exemplaires qu'il distribue, à l'angle supérieur droit, à la plume, à ses amis, à quelques écrivains (Zweig, Rolland, Maeterlinck, Verhaeren), à quelques bibliothèques, en y joignant son tiré à part, " car c'est ainsi exclusivement que je donne et toujours à titre très exceptionnel, les exemplaires que j'offre à des amis ", lors de sa fameuse conférence. Le petit public, conquis, sera doublement récompensé de sa présence, puisque Losseau offrira à chacun des membres présent, « [la] petite plaquette modeste ». Tous, ce soir là, quittèrent la rue de Nimy - Losseau avait tenu d'hébergé chez lui cette communication -  avec un exemplaire de La Saison sous le bras.
Du tirage originel d'un peu plus de 500 exemplaires. Rimbaud en distribua quelques uns, généreusement cédés par l'imprimeur (moins de dix, que le poète offre à Paul Verlaine alors en prison, à Ernest Delahaye, à Ernest Millot, à Jean-Louis Forain, à Jean Richepin. Les "autres" ne sont pas connus). Ces exemplaires, pour le coup rarissimes, firent longtemps la fierté des bibliophiles et l'annonce de 1914 fit grand bruit en France : " la presse se gaussera des collectionneurs marris de voir leur exemplaire prétendument rarissime de la Saison perdre une bonne partie de sa valeur marchande " (J.-J. Lefèvre, in Sur Arthur Rimbaud, t. 3, année 1914).
Léon Losseau dit être reparti avec 425 exemplaires (le reçu, daté du 1er janvier 1903, fait état de 400 exemplaires). Mais le "secret" n'est pas gardé, et l'un des participants prévient Paterne Berrichon : ce dernier souhaite que Losseau, ni plus ni moins, brûle les livres qu'il avait trouvés. Il refuse ; ce qu'il détruira, en revanche, c'est la fable, le mensonge de l'autodafé qu'Isabelle Rimbaud et Paterne Berrichon avaient colporté depuis des années et souhaitaient se voir poursuivre. Le grand bibliophile Barthou était lui aussi de cet avis, lui qui avait en sa possession le seul exemplaire dédicacé par Rimbaud. 
Losseau est mort en août 1949 et, en 1938, donnait l'affirmation de n'avoir jamais mis dans le commerce aucun exemplaire. En 1943, des exemplaires de Une saison en enfer furent cependant cédés à un libraire bruxellois. Mais une partie seulement, car dans le bel hôtel particulier de la rue de Nimy, le coffre-fort de Léon Losseau abrite encore une partie de ces fameux exemplaires découverts en 1901. Ils sont soigneusement protégés, inaccessibles et inaliénables.
Docteur en Droit de l'Université de Liège, docteur en Sciences politiques et administratives, avocat au Barreau de Mons, Léon Losseau ne plaida que pour défendre la cause des humbles et des déshérités. Avocat, bâtonnier, administrateur de sociétés, cet érudit jouit d'une aisance matérielle suffisante qui lui évite de passer ses journées au prétoire, préférant sa présence comme membre de nombreuses sociétés savantes. Philanthrope, mécène, bibliophile, collectionneur de médailles, il lègue, à sa mort, à la ville de Mons et à la Province de Hainaut sa maison, rue de Nimy, qui contient sa remarquable bibliothèque de près de 100 000 livres et périodiques !
© librairie Walden, 2021​​​​​​
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