Exemplaire présenté à l'exposition Camus de 2013

Paris, Gallimard, 1945
1 vol. (120 x 185 mm) de 80 p. et [4] f. Broché.
Édition originale.
Un des 250 exemplaires hors commerce sur alfa Navarre (H.C. n° 2217).
Envoi signé : « Pour toi, Pierre, avec les souvenirs de l'insurrection et de ton vieux frère, A. Camus ».
Ce recueil publié par Gallimard réunit quatre lettres, dont trois préalablement publiées en revue : dans la Revue libre en 1943, dans le troisième numéro des Cahiers de la Libération en 1944, et dans Libertés en 1945. Textes de circonstances, ils forment un exercice de réflexion politique autant qu'un engagement dans la lutte : depuis 1943, Camus, qui a rencontré Francis Ponge et René Leynaud, participe à la résistance en s'associant à l'équipe de Combat, dont il devient rédacteur en chef à Paris. Mais les sources de l'engagement prennent racine presque deux ans plus tôt, quelques mois après l'arrivée de Camus en France, en septembre 1942.
C'est en Haute-Loire que Camus rencontre et se lie à Pierre Lévy, dit Pierre Fayol. La zone, depuis 1942, est un haut lieu du refuge pour les juifs persécutés. La famille Lévy, originaire de Marseille, devinrent Fayol en s'engageant dans la Résistance, depuis un Q.G. établi à La Celle, une halte du tortillard de moyenne montagne qui desservait également le Crouzet, dernière halte avant la gare du Chambon : " Durant l'été qui précéda la rentrée 42-43, il arrivait qu'un inconnu traversât la cour de la ferme pour emprunter l'Allée de la mort qui rejoignait la route. Un jour que Guite faisait l'appel de ses poules pour leur distribuer leur pitance : « Andromaque, Iphigénie, Phèdre, Athalie, Agrippine, Bérénice... », passe un jeune monsieur de belle prestance, aux yeux clairs et au sourire chaleureux. Il s'arrête, stupéfait : Albert Camus assistait pour la première fois à un spectacle où le rôle des tragédiennes était tenu par des gallinacés ! Il mena son enquête. Les identités furent déclinées de part et d'autre par l'intermédiaire des Fayol dont Camus partageait les objectifs de combat. Il menait le sien à Paris, l'état de ses poumons l'obligeait à passer quelques mois à la montagne. Un ami, l'acteur Paul Oetly (rendu célèbre dans le rôle du capitaine Fracasse qui fut un film à succès avant guerre), l'invita à loger dans la modeste pension de famille que madame Oetly, sa mère, tenait à Panelier. C'était une sorte de petit castel perdu entre prés et bois, séjour paisible et sauvage. Camus y écrivit La Peste et le Malentendu. Le Panelier n'était qu'à une heure de marche du Crouzet. Il y eut de brèves rencontres dans la grande salle de la ferme avec cet homme solitaire, à la fois chaleureux et inquiet, tel qu'en ses oeuvres littéraires" (Françoise Lévy-Coblentz, in « Il y a trois fois vingt ans", La Ferme du Crouzet). Camus leur fera lire les manuscrit du Malentendu et de Caligula, en écoutant les émissions de la BBC. " Camus prend quelques leçons d'allemand avec Marianne Fayol et se confie à elle (...) et aide le fils des Fayol, Serge, à rédiger une dissertation, et ils obtiennent une bonne note " (in Olivier Todd, Camus, p. 320 et sq.). C'est là-bas, véritablement, que Camus fait ses premières armes au plus proche de la Résistance. Il est au Panelier depuis septembre 1942, sans pouvoir en bouge. " Comme des rats ", note-t-il dans ses Carnets. Lorsqu'il rédigera ses articles sur l'occupant, qui deviendront les Lettres à un ami allemand, les Fayol ne seront jamais loin, tout comme ses autres amis du triangle Saint-Étienne-Lyon-Le-Puy-en-Velay, où Camus tissa ces amitiés si sûres : Francis Ponge, le père Bruckberger ou encore Pascal Pia. 
Lorsque la deuxième lettre sera publiée (dans le troisième numéro des Cahiers de la Libération, au début de l'année 1944), sous le pseudonyme de Louis Neuville, Camus, dès la fin de sa rédaction, le 17 et le 20  décembre 1943, n'écrit qu'à deux hommes : à René Leynaud, le résistant lyonnais, et à Pierre Fayol, le résistant de Haute-Loire. Aux deux, il leur confie sa résistance silencieuse, mais active : «  La ville prend sa gueule de prisonnière résignée. Ça vous donne envie de foutre le camp ou de casser quelque chose. Mais on la ferme et on marche droit ». (Lettre à Marianne et Pierre Fayol, 20 décembre 1943).
Cet exemplaire a été exposé en 2013, lors de l'exposition Albert Camus du centenaire de la naissance de l'auteur.
Il est reproduit au catalogue De Tipasa à Lourmarin (n°88, reproduit p. 68). 
28827

découvrez ces autres ouvrages

Back to Top