Il y a tout juste 37 ans, Françoise Sagan publie « De Guerre lasse », un ouvrage dédié à son fils Denis. Publié aux Éditions Gallimard, c’est le quinzième livre de Sagan, adapté au cinéma deux ans plus tard par Robert Enrico, avec Nathalie Baye et Christophe Malavoy. Une tragédie amoureuse en pleine guerre, dans le Dauphiné de 1942 : trois personnages inoubliables qui, comme souvent chez Sagan, tournent autour des caprices de l’amour. Sauf qu’ici, les enjeux montent à proportion des folies de la guerre, de la Résistance et de la collaboration, fut-elle passive. « Préférer un lâche à un héros, c'est autre chose que de quitter un blond mûr pour un brun jeunot, ou vice versa », en dira Poirot-Delpech dans sa critique parue dans le journal Le Monde, en mai 1985, au moment de la sortie du livre. C’est son dernier grand roman, avant une fin de carrière désenchantée, entre ruine, procès, drogues et ennuis de santé. 

L'exemplaire du jour : 
Françoise SAGAN
De guerre lasse 
Paris, Gallimard, (29 avril) 1985 
1 vol. (140 x 205 mm) de 221 p. et [2] f. Broché.
Édition originale.
Envoi signé : « Pour Monsieur le Président de la République, (jamais [de guerre lasse] avec lui) pour François Mitterrand, avec toute mon admiration, ma confiance, et, s'il le permet, ma grande affection Françoise Sagan ».
« C'est fou comme, depuis quatorze ans, j'ai reçu, à chaque claque du destin, un témoignage de l'attention de cet homme surchargé, excusant mes folies, soutenant mon orgueil, expliquant mes colères. » Une complicité les lia leur vie durant : « je me trouvai un jour, rapporte-t-elle au sujet de l'un de ces déjeuners du dimanche organisés par les Lazareff à Louveciennes, près d'un homme jeune, brillant (l'oeil et la conversation), un homme lancé dans la politique - le dernier de mes soucis à l'époque [...]. Souvenir vague, donc, et que ne précisa pas un petit duel dans Paris-Match, entre Marguerite Duras et moi-même, au moment des élections de..., elle défendant Mitterrand et moi, de Gaulle, ‘véritable homme de gauche' - comme je le définissais alors - non sans une certaine justesse [...]. Quant à François Mitterrand, je n'en disais rien et n'en pensais rien, mon instruction politique restant des plus restreinte. Bref, nous étions mal partis pour devenir des amis. »
Sagan retrouvera Mitterrand en pleine campagne présidentielle, en 1980 : « [...] Nous étions les seuls passagers, ou presque, à monter dans un vénérable coucou, je fus plus gênée qu'égayée par le voyage à venir... Les choses allaient mal pour lui (et donc pour moi, qui avais enfin acquis quelques notions de politique, lesquelles me menaient à gauche). Les socialistes étaient en plein désordre... » En l'invitant chez elle, elle fit le premier pas d'une amitié qui ne se démentirait plus ; et, un an plus tard, elle fut de ceux qui bondirent de joie au résultat du scrutin.
Peu après la parution de De guerre lasse dont elle lui offre cet exemplaire, aura lieu le fameux déplacement en Colombie, à Bogota. « Fatiguée par le voyage » et « victime du mal de l'altitude » selon le communiqué officiel, elle tombe dans le coma à la suite d'un qui nécessite son rapatriement d'urgence. Comme un dernier hommage, elle écrira plus tard : « Je n'ai jamais regretté cette rencontre. [...] Je n'ai jamais rien regretté qui me soit arrivé par ce président de la République-là, par cet homme politique-là, par cet ami-là, et ce n'est pas si fréquent. »
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© Librairie Walden, 2022 - D.R. 
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